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Silence et enjeux autour de la mort du Pape Jean-Paul II

lundi 30 mai 2005

Derrière le deuil planétaire de la mort de Jean-Paul II se cache une église à deux vitesses qui d’un côté adapte l’évangile aux enjeux temporels inscrits dans une démarche pacificatrice tandis que de l’autre il lui devient difficile de donner raison à l’évolution des mœurs. Entre paix et conservatisme le Vatican vient de perdre l’un de ses plus fidèles représentants qui avait su faire taire les dissensions et son départ ne risque-t-il pas de les faire renaître ?

Le Pape Jean-Paul II est décédé suite à la lente agonie qui l’affectait depuis l’opération de février dont il ne s’est jamais remis. Remettant son âme à Dieu dans la nuit de samedi à dimanche de ce premier week-end d’avril à une heure (21h 37) où il avait souvent l’habitude d’entrer en prière dans l’intimité, souvent seul, dans des petites chapelles ou cryptes. Ainsi commençait-il ses nuits, ainsi s’est-elle finie entourée de quelques proches dans un recueillement absolu, loin des flashs qui en avaient fait un Pape « superstar » lorsqu’il était fait référence à son succès auprès de la jeunesse, d’une certaine jeunesse répondant à son charisme mais ne rendant pas concrètes en effectifs dans les offices les prétentions annoncées d’une église qui aurait vu ses fréquentations en hausse ; homme de paix qu’il était aussi Jean-Paul II fortement attaché à la personne humaine lorsque politiquement sa personne était directement liée à la chute du communisme, en sa Pologne natale qui fit boule de neige jusqu’à Moscou en passant par la chute du mur de Berlin. C’est certainement accorder une place politique usurpée étant donné que l’église et à plus forte raison le Vatican, se faisaient l’écho d’une ambiance générale allant vers des changements dans la maintenance des régimes communistes. Ses discours et ses prises de positions eurent un effet certain mais elles n’en furent pas les seules motrices qui firent chuter la barrière du communisme des pays de l’est fermés par une dictature utilisant les prolégomènes marxistes pour se faire roi.
De sa bonne foi dans la parole de l’Evangile et de la plus d’une centaine de pays qu’il a parcouru résultent un consternant paradoxe qui laisse des sujets synonymes d’évolution tels l’avortement et le mariage des prêtres dans une impasse stricte et irrévocable aux yeux du Saint-Père. Autre progression qui a accompagné la route des vingt six années de règne pontifical de Karol Wojtyla et sa croisade planétaire pour faire passer le message de la chrétienté est certainement la plus significative de toutes et concerne une propagation des milieux de l’extrême droite justement rattachés aux branches pratiquantes traditionalistes et conservatrices de la société et de l’église qui plus est ne souffre aucunement d’illumination identitaire. Il y a là un parallélisme évident entre le développement effectif du discours de la « bonne nouvelle » dans tous les pays en souffrance de la surexploitation capitaliste fraîchement décamouflée des dictatures tampons qui agissaient aux ordres des Etats-Unis en Amérique du sud d’un côté et du communisme de l’autre et l’effet inverse qui se produisît dans les grondements d’une Europe dans l’impatience qui faisaient raisonner le nationalisme, commençaient à construire des armureries clandestines, tenaient des discours odieux en son extrême droite et multipliaient ses scandales de prêtres pédophiles et de mise à jour de ses structures intégristes. Cela Jean-Paul II ne pu l’endiguer mais la ferveur qu’il développât de sa personne parmi ses fidèles laisse des scènes frisant le fanatisme et l’hystérie, on alla même jusqu’à applaudir sa mort. Alors il faut dissocier ce que l’excès de foi peut entraîner dans le champ politique et l’aspect politique du discours et ce que le dialogue humaniste d’un homme d’église dont les politiques chercheraient ensuite à s’identifier pourraient à cet égard développer des bataillons de défenseurs de l’église qui chasseraient l’« incroyant ». Au Chardonnet, fief de l’intégrisme catholique il est dit que « nous n’avons pas à juger Jean-Paul II, Dieu l’a jugé ». On dirait une blague ou entendre parler Coluche dans la confrérie qui n’a jamais pardonné au Vatican la condamnation de Mgr. Lefèvre. Il y aurait eu des libertés prises au nom de l’église glissant ensuite sur des fronts politiques plus dépréciés comme le sont les extrêmes droites dans leur spiritualité et la rigueur pédagogique certainement tout aussi proche du manque d’émancipation qui permit à l’église de se cacher derrière la puissance vaticane qu’un monde agonisant dans la misère, à certains endroits présent dans les discours, mais dont aucune politique sérieuse qui serait venue de l’extérieur aurait pu prendre en charge. La politique se moque bien de la charité et la pauvreté aurait plutôt augmenté ces vingt dernières années et cela ne rendait que plus acharné le combat de Jean-Paul II contre les faux démons qui rendaient des politiques inadéquates avec la parole de l’église que transmettait le Pape et qui semblait un peu en avance sur son temps.
L’immixtion de la position du souverain pontife sur certaines réflexions politiques ne fut pas un engagement de l’église mais une constatation de données immuables en mutation reprises par une papauté qui trouvait en Jean-Paul II un personnage exceptionnel solidement ancré à la tradition chrétienne de la réconciliation. Le pape Jean-Paul II s’en est toujours détaché de cette auréole politique qui lui collait à la peau intrinsèquement constatant à chacune de ses interventions la simple transmission du message de paix présent dans l’Evangile et non pas une volonté délibérée de faire cahoter les régimes autoritaires qu’il ne cessait cependant de dénoncer particulièrement à l’égard du rideau de fer. Ce Pape déjà fortement regretté tant son importance historique marquera notre temps fut accompagné par des politiques qui parallèlement s’inscrivaient dans ce schéma pacificateur que reprennent les différentes religions d’où la volonté prononcée par Jean-Paul II en faveur du rapprochement des religions arabes, juives et chrétiennes même si inversement au discours allaient se développer une propension égale à l’émergence des intégrismes tant au niveau musulman que chrétien et les exactions commises vers la fin du règne de Jean-Paul II à l’encontre des institutions israélites en France témoignent à elles seules des dérives encourues lorsque cherchent à se rapprocher toutes les confessions religieuses autour d’une seule église. La floraison des intégrismes a donc accompagné tout au long de son parcours l’église d’un pape en quête de renouvellement de ses terrains d’investigation sans changer pour autant ses mœurs et ceci d’autant plus qu’on s’éloigne du Vatican pour y regarder de plus près à des échelons inférieurs relevant des localités paroissiales où se développent des sortes de camps disciplinaires pour les jeunes destinés à dresser l’homme, à le fortifier.
Egalement nommé à la tête du saint Siège dans une époque où l’effervescence terroriste battait son plein il aura de son bâton de pèlerin accompagné les chefs d’Etats qui prenaient également une position acharnée contre les excès d’autoritarisme, la cessation de tous actes terroristes et le développement d’une société fraternelle un peu comme à l’image de François Mitterrand et Helmut Kohl main dans la main devant le mémorial. Il s’en est d’ailleurs toujours tenu à l’écart, ne la nommant pas cette position politique qui n’est qu’une continuation des écrits bibliques et si certains insistaient fortement sur l’aspect d’un pape politique c’est que déjà cela représentait suffisamment de récupération aux statuts d’une église en perte de vitesse s’apprêtant dès lors à ressouder des droites en une seule par une même extrême pour utiliser et faire vivre la parole du Vatican à sa manière, à la manière d’un groupe politique fortement attaché aux valeurs et à la morale conservatrice contre laquelle pas même le pape lui-même n’osât contrecarrer la rigidité et qui sentait là son heure venue, son appel politique justifié et ses pratiques légitimées comme par un retournement de situation d’une politique qui aurait échappé à tout le monde.
Au-delà du plébiscite mondial auréolé de louanges à l’égard de Jean-Paul II mué en globe-trotter de la paix, de la réconciliation et du rapprochement des peuples et par delà l’acceptation de la souffrance mais après tout, lorsqu’on y est confronté on n’a pas tellement le choix, il reste des zones d’ombre par rapport à un chef de l’Eglise qui refusât paradoxalement son évolution. Pierre Mauroy semble médusé déclarant qu’« il est resté conservateur par son attachement intangible au dogme, allant jusqu’à méconnaître l’évolution de la société » tandis qu’au Parti Communiste français on estime qu’ « il a été porteur de principes moraux dogmatiques d’un autre âge, tournant notamment le dos aux aspirations massives des femmes à la maîtrise de leur corps » pour situer la controverse dans un avenir où l’église n’a plus à se demander ce qu’elle doit dorénavant combattre si elle ne veut pas voir le rayonnement dont elle a pu bénéficier sous le consistoire de Jean-Paul II tomber en désuétude repris qu’il serait par des représentants trop rigoristes proches de l’attache intégriste qui les sous-tend. C’est sur ces terrains d’adéquation en vertu d’une église émancipatrice arrachée de ses passéismes que le prochain conclave devra travailler et s’extirper sous peine de constater dans la foi religieuse un outil émulateur de la poussée des extrêmes droites aux quatre coins de l’Europe et du monde entier.

Laurent Chrétien - Gantner