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L’Islam et les mouvements altermondialistes

Au delà de la question de la laïcité

mercredi 28 janvier 2004

ISLAM et ALTERMONDIALISME

v.1.1

Révolution spirituelle et révolution sociale

Les relations entre l’Islam et les mouvements altermondialistes sont un enjeu majeur de cette décennie, et cet enjeu se décide à la base. Succédant sans imagination à la fracture Est-Ouest, une nouvelle « fracture des civilisations » est en voie de nous être imposée comme horizon indépassable par les marchands de canons qui prennent le contrôle des groupes de presses en Occident [1] et les démagogues islamistes en Orient. Mais les jeux ne sont pas encore faits et l’union entre un Islam politique progressiste en voie d’affirmation et les mouvements de lutte contre la globalisation capitaliste pourrait très bien venir apporter un autre éclairage à cette sombre perspective.

Une telle union annoncerait une fracture d’une autre sorte, celle de l’affirmation d’une lutte multiforme, multi-culturelle et mondialisée pour une civilisation à visage humain, contre la barbarie de la marchandisation universelle et son cortège annoncé d’iniquités, de dictatures et de guerres.

Mais au coeur de la question de la participation de l’Islam en tant que tel à l’altermondialisme, il y a deux obstacles, l’un dans la communauté musulmane, l’autre chez les altermondialistes.

Au sein de la communauté musulmane, le temps est venu de tirer les leçons des échecs historiques récents des révolutions islamistes chiites et sunnites (Iran, Afghanistan, Algérie) et de constater que le modèle de l’islamisme littéraliste, légaliste, autoritaire et misogyne est une impasse à la fois spirituelle et politique. Ce modèle autoritaire, qui échoue sous nos yeux au tournant du Xxème et du XXIème siècle est justement celui qui avait en son temps conduit à la sclérose, puis à la décadence de la civilisation musulmane de l’âge d’or. Or l’Islam dans sa longue histoire a su montrer d’autres faces politiques, beaucoup plus justes, ouvertes, respectueuses du droit des minorités et des femmes et inventives pour assurer la participation de chacun(e) à la vie publique, à commencer par l’Islam du vivant du Prophète. C’est cet Islam de la révolution spirituelle progressiste des origines, étouffé par le khalifat héréditaire puis par les docteurs de la loi, qui est maintenant appelé de leurs voeux par les croyantes et les croyants. C’est ce qui fait le succès de rénovateurs comme Tariq Ramadan, pour ne citer que lui. Or cet Islam spirituel et politique retrouvé doit, pour émerger, se démarquer sur deux fronts. D’un côté, il doit se réinventer contre l’Islamisme autoritaire encore dominant chez les islamistes, et de l’autre savoir s’affirmer - surtout en France- comme spiritualité politiquement et collectivement agissante contre les conceptions républicaines et démocratiques de la laïcité dans la mesure où elles visent à réduire la sphère religieuse à celle de la vie privée. La participation aux luttes et aux constructions altermondialistes est le moyen pour l’islam(isme) progressite, qu’il soit révolutionnaire ou non, de se démarquer de l’islamisme autoritaire et misogyne tout en affirmant dans la sphère politique et collective les conséquences de l’accomplissement des valeurs de la Foi.

L’autre obstacle au rapprochement entre le mouvement altermondialiste et l’Islam vient du fait que bien des militants des organisations citoyennes ou révolutionnaires se montrent totalement incapables d’entendre autrement que comme un danger une expression politique non-laïque, comme si bien des sociétés musulmanes en paix à l’ombre de leurs murs -avant leur anéantissement par par le colonialisme - n’avaient jamais disposé de leurs modes propres de représentation populaire et de coexistence avec les minorités. Il est vrai que sur ce plan, l’Islam politique, qui s’est constitué depuis plus d’un siècle en opposition à l’impérial-démocratie Occidentale a jusqu’à nouvel ordre toujours cédé à la dérive autoritaire et a encore tout à prouver.
C’est que les Occidentaux, fussent-ils critiques envers le système et de bonne volonté, ont tendance à oublier que l’Occident a occupé et colonisé l’Orient, non pas par la supériorité démocratique de sa civilisation, mais par la violence, la force et l’oppression perpétrée pendant des générations à des fins de spoliation. Les Orientaux, eux ne l’oublient jamais. Maintenant, à l’heure où le colonialisme économique cède à nouveau la place au colonialisme militaire au coeur de l’Orient, peut-être serait-il temps pour les consciences occidentales qui le peuvent encore de se défaire d’un conditionnement de 14 siècles de diabolisation religieuse de l’Islam par les églises chrétiennes suivies par trois décennies de financement massif de l’Islam extrémiste par la realpolitik américaine.

L’entente entre les communautés et les cultures est rendue encore plus nécessaire et incontournable après l’occupation militaire de l’Irak par les Etats-Unis et l’annonce d’une guerre sans fin au terrorisme, qui suscite partout de l’islamophobie et autorise tous les abus de pouvoir. En Europe, de nombreux groupes et individus engagés dans les mouvements altermondialistes sont déjà classés administrativement comme « terroristes » alors qu’ils n’ont rien fait d’autre que d’exercer leur liberté démocratique de manifester. Certains militants altermondialistes peuvent encore se voiler la face par nombrilisme culturel, ou s’y refuser par leur athéisme militant en oubliant que leurs valeurs humanistes sont toutes à la base des valeurs spirituelles et prophétiques, mais ils finiront par convenir que la construction d’un monde meilleur ne se fera pas sans les musulmans, ni en voulant les convertir préalablement aux valeurs et moeurs Occidentales. Celles-ci ont été sciemment piétinées sous les bruits de bottes démocratiques dont l’écho résonnera longtemps en terre d’Orient. Il y aura des turbans et des voiles à Porto Allegre et partout ou les peuples et les communautés s’assembleront, n’en déplaise aux féministes et aux libertins- et ce sera tant mieux car pour construire la maison commune, les musulman-e-s ne viennent pas les mains vides.

BAH


[1à titre d’exemple de la stratégie de contrôle des opinions publiques par les groupes d’armement on citera le Carlyle Group aux USA cf. infocrise ou en France le groupe Lagardère, voir la partie inférieure droite de l’organigramme

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