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Constitution Européenne

Dernier tour ou verdict irréfutable ?

vendredi 20 mai 2005

L’Europe au service d’un humain technologiste à l’épreuve de l’acceptation de chacun. Tardivement convaincu par le projet européen, Jacques Chirac s’est voulu le rassembleur unanime d’une nation au seuil des réalités politiques.

Il aurait eu tort de ne pas se représenter face aux caméras de télévision notre Président Chirac au sommet de sa forme « européenne », parti pris qu’il raccrochât à l’ultime limite dont aujourd’hui il tire une gloire méritée de la magnificence que son titre de chef d’Etat lui apporte comme puissance puisque cette Europe que Jacques Chirac a su aborder tout d’abord avec un certain devoir de réserve se présente à lui, maintenant qu’il en est un des chefs de file invétéré, sous des contours dont l’existence n’est pas à remettre en cause mais les reflets de la nécessité des pouvoirs qu’elle réquisitionne, cette « Europe de tous », interpelle sur bien des points abordés et semble, « sur la dernière ligne droite abordée », de moins en moins apte à poursuivre son chemin institutionnel dans un climat de confiance et d’unanimité une fois fait le tour d’horizon de l’ensemble des formations politiques chargées d’appuyer par leur batterie de documents et de réunions, de standardisation du discours en ébauches à faible teneur, de déclarations officielles en épures propagandistes ; cette Europe présentée par les formations politiques qui en ont la charge ne sera finalement parvenue par convaincre, à force d’interventions médiatisées, qu’un flot continu de citoyens pris à la question qui en décelèrent bien plus de problématiques que d’avantages, en remirent les principes d’uniformisation à des pertes de droits (les retraites baisseraient…) pour finir par non pas en rejeter le programme mais par en redéfinir les orientations de cette idée européenne ou du moins l’espérance de la freiner à l’unisson des craintes que développe le rythme effréné que les économies gloutonnes de souche capitaliste imposent à l’évolution de la destruction de la planète (la forêt amazonienne disparaît par le grignotage des producteurs industriels déployés sur les marchés du bois).
Cependant la carrure du discours de Jacques Chirac aura cloué le bec à plus d’un faisant certainement peser la balance d’un autre côté. Traitant les lignes principales des nécessités qu’apporte et envisage le projet constitutionnel tout en le mettant hors circuit de toute forme d’appartenance politique qui tenterait de s’en servir comme outil de mise en valeur dans un ultime sursaut d’orgueil, il s’en sort avec la stature des meilleurs chefs d’Etat que nous ayons connus dans une déclaration qui fait force de loi, soigneusement préparée à quatre épingles, ne sortant jamais de l’intérêt général de tous les pays qui en constituent et en justifient l’existence. Ce discours n’aura pas été un coup d’épée dans l’eau mais une digne protection des acquis que garde toujours une certaine forme de pouvoirs boursiers et bancaires, support incontournable dont nous aurons tous à souffrir un jour ou l’autre étant donné que le système auquel nous prédestine l’organisation européenne a pris pour habitude conventionnelle de pratiquer les licenciements à tour de bras misant sur les toujours éventuelles reconversions possibles pour chaque salarié de se former à d’autres techniques quelque soit son âge. Son exposé irréfutable, consistant et nullement dilapidateur étonnât par sa franchise, son tact et sa détermination ; surprenant en renvoyant chacun de nous à son honneur patriotique, on eût presque l’impression d’avoir affaire à une sorte de déclaration de guerre lorsque fut évoquée cette éventualité du « non » qui décalerait la France, la dévaluerait auprès de ses partenaires - économiques cette fois-ci parce que pour ce qui est des partenaires sociaux une certaine hégémonie semble s’être tissée autour du « non » - pour finalement la positionner en situation de faiblesse et lui enlever du poids qu’elle fait peser à titre personnel sur l’élaboration des relations européennes. Il y fait bonne figure peut-être néanmoins avec une teinte humaniste et égalitaire inférieure à la noblesse d’esprit qu’était parvenu à insuffler François Mitterrand à une Union européenne qui était plus unie en tant que construction que comme projet aboutissant à l’unification des circuits économiques.

Sans partie prise partisane et présentée comme un projet qui devait suivre son cours « quoi qu’il arrive » à aucun moment Jacques Chirac n’aura daigné répondre aux fustigations, aux craintes, au doute européen que la campagne du « non » en France aura soulevé renvoyant ces démagogies apparentes à une intégration dans cette Constitution censée apporter le cadre adéquat pour recevoir toutes les revendications syndicales, en retarder les processus pour les engloutir de primauté économique qui les empêche généralement de parvenir au sommet laissant alors tant que bien se peut des miettes d’augmentation symbolique sur les salaires ou l’aménagement du temps de travail ou de la « mobilité » des personnes ; gardant le pouvoir comme des berniques à leur rocher, s’estimant en tout honneur dans une droite tenue d’accords en conclusion au rabais.

Arrivé « au terme d’un débat exemplaire » Jacques Chirac égraine dans une sérénité absolue les points forts du projet européen laissant les discordances suscitées par le texte à des règlements ultérieurs. Rappelant presque à mi-voix - cela arrive souvent lorsque les grands rhéteurs se font prendre par le tour de chauffe des cordes vocales - « j’ai voulu ce référendum » il lance un véritable appel aux citoyens (-nes), « compatriotes » pour le terme exacte utilisé par le Président cela est plus homogène et fait plus compact dans ce rassemblement que quémande le « oui », les posant devant « des choix de responsabilité et de conscience » une fois qu’ils (-les) auront pu en « comprendre, apprécier les enjeux » tout en gardant à l’esprit qu’« il s’agit de ne pas se tromper de question » plaçant au-dessus de tout « l’avenir de l’Europe » alors qu’il n’entendrait pas que celle-ci gronde et redoute de poursuivre le chemin européen entamé jusque là. Il nous garanti en retours « un pays plus influent… » alors qu’il s’agit justement de sortir de cette auréole nationaliste renforcée par la place de notre pays au rang des nations européennes. « …Le nombre de voix que nous obtiendrons dans les Conseils européens va augmenter de 50% » ce qui fait basculer une France européenne dans les mains des socialistes qui disposeraient ainsi d’une solide majorité sur l’échiquier international, presque un clin d’œil esquivé aura échappé à Jacques Chirac à ce moment comme si en disant « non » la gauche verrait s’éloigner d’elle tout espoir de victoire aux présidentielles. Il ne pouvait faire mieux du point de vue démocratique en sous entendant et en mettant sur la piste des millions d’électeurs pour un retour anticipé de la gauche à l’échelle européenne mais pas nationale où il restera chef de la Nation jusqu’en 2007 et le garant d’un pays cadenassé dont il a les clés en affirmant d’un ton rude que la poursuite du projet « donnera à la France plus de force pour peser sur les choix de l’Europe » !

Cette Europe présentée comme un progrès pour « soixante millions de travailleurs européens » est d’une importance majeure et efface d’un coup d’éponge symétriquement les soixante millions de pauvres que l’Europe ne reconnaît pas. Quant aux « financements » que l’Europe met en disposition d’une façon déterminante signifierait-il pas que les Etats n’auraient plus rien en caisse pour qu’ils remettent à ce point leur destinée entre les mains de la Banque Européenne (BE) ? Quels déséquilibres cela peut-il avoir sur une prétendue stabilité financière ? Les pays « forts », les sommités européennes toucheront-elles plus que les pays voisins économiquement plus faibles ? Appliquera-t-on la technique des salaires au tarif en vigueur dans les pays où seraient envoyés des salariés déshumanisés par un rabais que leur propose la législation de l’« harmonisation » ? On en est presque effrayé à l’entendre parler notre Président de la République au nom des pays qui ont déjà accepté la ratification qu’il est maintenant convenu de bâtir « une grande puissance industrielle européenne » comme s’il fallait là tout craindre d’un retours aux pires heures du prolétariat, faisant espérer que parallèlement la protection de l’environnement allait suivre. Au rythme où se battent les records de chaleur d’années en années on est de plein droit de se demander ce que la Constitution européenne qui utilise encore autant de polluants pourra bien faire contre des pôles qui ont fondus ? ! Littéralement surpassé lorsqu’il aborde pour mieux l’effacer l’éventualité d’un « non », Jacques Chirac se fait devin en prédisant une « période de division, de doute et d’incertitudes » dans une « Europe en panne à la recherche d’un impossible… une France affaiblie » qui ne pourrait se permettre une telle erreur. Redoublant d’ardeur lorsqu’il quémande le soutient de tous les Français (-es) au « oui » dans le but de « mieux faire vivre le pacte historique ». Les débats se construisaient autour de l’idée de « traité », de « ratification », de « constitution » pour ou contre l’Europe et enfin « pour une autre forme européenne » au risque de choquer les esprits els plus rationalistes. Voilà que dans l’angoisse affolante qui donne par sondages le « non » plus que jamais en position d’arbitre, au centre des aberrations européennes Jacques Chirac introduit le terme de « pacte », une manière étrange de vouloir tisser les liens du rapport entre tous ces pays constitutifs de l’Union européenne, certainement un procédé destiné à en laisser plus d’un de côté, à commencer par ce « non » tant redouté.

Pour conclure, Jacques Chirac est redevenu beaucoup plus intransigeant, montant vigoureusement dans les tours lorsqu’il se demande bien ce que penseront les autres pays lorsqu’ils apprendront éventuellement que « la patrie de l’établissement de la Charte des droits de l’homme refusait de s’inscrire dans le projet européen ». Imbattable et inatteignable Jacques Chirac peut s’enorgueillir d’avoir mis la France sous le regard des Vingt cinq qui auront dimanche soir l’attention braquée sur le résultat de notre référendum presque comme si leur avenir allait en être chamboulé en cas de victoire du « non » ou peut-être mieux amélioré ?

En tous cas Jacques Chirac a eu le mérite de clore un débat où les dualismes les plus époustouflants se sont petit à petit dévoilés entre des leaders de partis politiques qui ne sont plus suivis de leurs bases. Jack Lang dans la foulée pour se ranger du côté de ses homologues espagnol et allemand (Mrs Zappatero et Schröder) met en garde avec une note proverbiale estimant que « quand on claque la porte c’est l’autre battant qu’on se prend à la figure » comme si ce n’était que par le « oui » que nous allions échapper à cette effrayante Europe qui se prépare sous de multiples exigences et une pointe référendaire propice à l’ébauche de toutes les situations. Dans cette Europe où on va nous demander d’économiser l’eau pendant qu’ils flamberont le pétrole - n’ont-ils jamais songé un seul instant que celui-ci pourrait se changer en eau et régler ainsi toutes questions avenantes à ses problèmes de crise économique - Mr Emmanuelli termine en apothéose en lançant « la gauche est en marche et on ne l’arrête pas comme ça » tandis que Marie Georges Buffet croise les doigts et craint l’abstention implore la « mobilisation, allez voter » pour faire contre poids deux mesures de José Bové et Oskar Lafontaine situés aux côtés des défenseurs du « non » contre des Le Pen toujours aussi véloce lorsqu’il s’agit de défendre la construction imaginaire de la nation dont il est le porteur ou encore un Giscard d’Estaing épuisé et à cours d’idée maintenant que son travail semble achevé s’embourbant sur le tare dans une comparaison sportive enfonçant là le manque d’envergure de tout son projet puisqu’il n’ose en espérer qu’un « vote à la Liverpool », il est comme cela notre VGE, « bonne franquette… » quant à notre placide et inflexible Premier ministre Jean-Pierre Raffarin qui réunira son gouvernement comme à l’accoutumée il résume assez bien l’adage de tous ces partisans du « oui » réunis dans le même anathème du « rien ne change, rien ne changera » !!!

Laurent Chrétien - Gantner

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