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Mouvement Social CPE 2006

Du mapommisme au pourrissement

Sens et perspective du mouvement anti-CPE en France

samedi 8 avril 2006

Le refus de l’humanité jetable est au coeur de la contestation du printemps 2006 en France. C’est une attitude politique, éthique et la réaffirmation que l’humain n’est pas qu’un rouage économique. C’est aussi l’expression d’une peur existentielle. Chacun-e à son tour sent distinctement passer derrière son dos le souffle de la bête qui « presse et qui jette » sans pitié et qui transforme les êtres humains eux-mêmes et leurs institutions en bêtes à presser et à jeter autrui.

Une contestation du néo-libéralisme pourrissant ?

Le néo-libéralisme, doctrine de domination économique conçue sur commande dans les années 70’ en même temps que toute une génération fumait ses joints en rêvant d’un monde meilleur, a avancé systématiquement ses pions dans toutes les directions : mainmise des financiers sur l’industrie et les états ; mainmise des complexes militaro-industriels américains et européens sur les médias, la presse nationale, régionale, l’édition scolaire ; matraquage de la pensée unique de l’économie de marché ; déploiement omniprésent du lavage de cerveau consumériste par la publicité ; marchandisation de toutes les productions humaines et de l’humanité elle-même ; disparition au quotidien des espaces-temps de transmission directe inter-générationnelle ; fabrication industrielle de l’imaginaire collectif et individuel ; clientélisation systématique des élites ; asservissement de la pensée, des arts, des sciences et de la recherche fondamentale à la poursuite de l’hédonisme consumériste considéré comme moteur par excellence de l’activité économique et par conséquent finalité suprême de l’activité humaine elle-même.

Parvenu à son apogée - peut-être en 2001, après 30 ans de déploiement, le néo-libéralisme alors-même qu’il est triomphant - et justement à cause de cela - est entré dans une phase de pourrissement accéléré et de décadence convulsive et instable, avec comme horizon la crise climatique globale, la « longue guerre » de tous contre tous pour l’hégémonie sur les ressources énergétiques et la propagande sur la fracture des civilisations en guise d’horizon culturel colonial.

En Occident, après la tentative d’un traité constitutionnel néo-libéral, la clientélisation de la représentation politique est symbolisée de façon exemplaire par une mesure comme celle d’un contrat de travail institutionalisant la précarité comme une norme pour toute la génération montante (c’est le cas du CPE proposé par le ministre Villepin en France). C’est ce qui fait aussi tout l’intérêt de la contestation qu’elle suscite.

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UMB Strasbourg 21 mars 2006 Les murs parlent

Mais tous les contestataires du CPE contestent-ils/elles la logique-même de l’exploitation universelle en oeuvre ? S’élèvent-ils/elles contre la corruption du politique, de l’éthique, du philosophique, de l’artistique par la marchandisation ? S’élèvent-ils/elles contre la perspective d’avoir à vivre eux-mêmes dans la perspective d’être asservis à la seule dimension économique et d’y asservir autrui ? Ou bien contestent-ils/elles aussi - avant tout - surtout - par ailleurs - la perspective d’être à leur tour chassé-e-s des promesses du paradis virtualisé de la consommation, paradis refusé avant cela aux « indigènes » d’ailleurs et d’ici, aux travailleurs précaires, aux condamnés aux minimas sociaux, à tous les « inutiles » mais néanmoins encore humains jusqu’à preuve du contraire qui ne tardera d’ailleurs pas à nous être assénée de façon marketée ? Dans ce cas, ils/elles ne manifesteraient qu’une expression de plus du « mapommisme » et de l’irresponsabilité reproduite industriellement dans les conscience dans toutes les strates de la société.

La jeunesse des mouvements lycéens et étudiants en France et en Occident et la part encore aimante, pensante et agissante de l’humanité réussira-t-elle à se repenser et à repenser le monde sur les fondements de la solidarité, de l’imagination et de l’intelligence collective plutôt que sur ceux de la compétition individualiste instaurée par leurs aînés jusqu’à ce que mort s’ensuive ? Elle n’a pas d’autre choix. Rejeter le CPE, c’est une façon « ici et maintenant » de refuser la perspective de finir sur le tas d’ordure de l’histoire annoncée de l’humanité. Mais rejeter le CPE avant de retourner à ses études pour espérer ensuite trouver un job stable de fonctionnaire, de cadre ou d’enseignant dans une administration ou une entreprise qui n’interrogera pas la finalité de l’activité humaine au-delà du marketing de l’hédonisme et de la guerre néo-coloniale, où le pouvoir sera toujours aux mains des financiers, de technocrates et d’élus structurellement irresponsables, c’est s’apprêter à vouloir continuer à s’illusionner soi-même et ne pas être à la hauteur du défi de cette époque inouïe.

PB

1ère mise en ligne 22 mars 2006

Messages

  • Bonjour,

    Le problème - également à NoTv - est qu’il y a aussi peu d’espace pour des pensées plurielles, donc je vais tenter d’utilsier ce carré rouge pour répondre succinctement à cet article que je considère comme une erreur d’analyse sur plusieurs points :

    a) Le "mapommisme" est d’abord celui des capitalistes du MEDEF et plus généralement de l’UNICE pour ne citer que l’échelle de l’EU qui - années après années - réduisent à néant le code du travail.

    b) Ce qui produit l’attachement à la valeur "travail" est précisément lié aux politiques qui le précarisent, le rendent rare, en maintenant un chomage élevé. La rareté du travail, et sa précarité pousse le producteur à s’en rendre dépendant. Depuis que s’est établi après de longues années de lutte le contrat de travail, il a pu se développer une certaine indépendance du producteur par rapport au capitaliste.

    c) La condition - paradoxale en apparence - pour s’établisse un rapport distancié au travail est justement l’établissement du contrat de travail qui donne des droits universels au travailleur, en tout cas un minimum de droits. Le CPE rompt cette conquête et donc au contraire, va accentuer le rapport de "demande" vis à vis du travail, en provoquant à la fois sa rareté et sa précarité. Le CPE accentuera cette dimension productiviste et psychologiquement centrale du travail par l’exploitation accrue.

    d) La condition pour que s’établisse un débat autour des vrais questions sur le sens du travail est d’abord sa désaliénation. ERREUR FONDAMENTALE D’ANALYSE ICI QUI INVERSE LA RAPPORT D’ALIENATION AU TRAVAIL EN LA FAISANT PORTER SUR LES EPAULES DU TRAVAILLEUR. Les luttes actuelles n’ont pas d’autre but, en toile de fond, que de limiter le rapport aliénant au travail. A AUCUN MOMENT IL NE S’EST AGI DE CONSOMMER, LES REVENDICATIONS PORTENT BEL ET BIEN SUR L’EXPLOITATION AU TRAVAIL.

    e) GRAVE ERREUR D’ANALYSE digne des médias néolibéraux qui reprend le couplet des "classes moyennes". Ceci est absolument faux, le CPE concerne même en premier lieu les plus démunis. Cette lutte, menée au départ par des étudiants issus de la classe moyenne mais pas seulement EST A PORTEE UNIVERSELLE COMME DE NOMBREUSES AUTRES LUTTE. Citons le mouvement féministe.

    f) Même si elle se concentre sur la question du CPE, c’est un point d’appuie pour aborder la question plus générale du rapport d’exploitation et justement DE L’ALIENATION AU TRAVAIL, DU SENS DU TRAVAIL. Avant de vouloir jouer les philosophes à critiquer un mouvement, regardons plutôt quels sont ses potentialités émancipatrices, cela me paraît plus constructif.

    SALUONS PLUTÖT L’EMERGENCE DE CETTE CONSTESTATION A GRANDE ECHELLE DE L’EXPLOITATION, CAR C’EST BIEN DE CELA QU’IL S’AGIT.

    gédéon67

    • Voici quelques réponses aux remarques de lectures fort pertinentes de Gédéon 67 - émanant d’une sensibilité militante de gauche - suites à l’article « Mapommisme et pourrissement ».

      D’abord une remarque : le titre est peut-être ambigü, parce que la réflexion qui le suit n’est pas manichéenne, contrairement à ce que peuvent être des positions politiciennes cristallisées dans des traditions de lutte ou de réaction conservatrices quasi pavloviennes et qui risquent trop de passer à côté des enjeux renouvelés de notre époque.

      >>a) Le "mapommisme" est d’abord celui des capitalistes du MEDEF et plus généralement de l’UNICE pour ne citer que l’échelle de l’EU qui - années après années - réduisent à néant le code du travail.<<

      OUI, absolument, mais pas seulement. Le mapommisme, attitude du dominant prédateur, est devenu aussi une norme comportementale populaire. La difficulté à faire émerger des mouvements sociaux ou des initiatives alternatives solidaires hors de la gangue de l’individualisme consumériste en est tout de même un bel exemple.

      Quant au code du travail, il s’agit effectivement du fruit des luttes solidaires des travailleurs... C’est aussi l’effet du choix stratégique des possédants d’associer les "classes laborieuses" à la société bourgeoise afin de châtrer ses vélléités de révolution sociale,d’autogestion ou de démocratie radicale. Ni le code du travail, ni les organisations syndicales qui se nourrissent de l’opposition dialectique au patronat ne favorisent l’autogestion ni ne luttent pour la fin de la "relation de subordination" qui définit en droit le statut de salarié dans le cadre dudit code du travail.

      Tant que la gauche perpétuera (et elle le fait autant que la droite) le maintien de cette subordination pour en faire son fond de commerce électoral ou syndical, jamais elle ne sera à la hauteur de l’enjeu de liberté et de responsabilité appelé de ses voeux par les mouvements sociaux spontanés post-marxistes. Le futur salarié anti-CNE et anti-CPE, s’il se mobilise tant, c’est autant pour fuir la perspective du harcèlement dans la subordination que contre la précarisation galopante. Le besoin de liberté et de co-responsabilité, et le fait que seule la liberté et la co-responsabilité permet aux individus et aux collectifs d’être pleinement heureux et créatifs de nouveaux rapports humains, de production et de régulation environnementale, voilà bien qui échappe définitivement à de trop nombreux apothicaires de la politique de gauche. Mais nous ne sommes plus au XIXème ni au XXème siècle, il ne suffit pas de maintenir le code du travail pour répondre aux problèmes posés par la régulation des activités humaines. C’est ce que démontre tout de même cet essai qui évoque la cohorte de désastres annoncés suite à la globalisation néo-libérale et dont la précarisation du travail n’est qu’un aspect.

      >>b) Ce qui produit l’attachement à la valeur "travail" est précisément lié aux politiques qui le précarisent, le rendent rare, en maintenant un chomage élevé. La rareté du travail, et sa précarité pousse le producteur à s’en rendre dépendant. Depuis que s’est établi après de longues années de lutte le contrat de travail, il a pu se développer une certaine indépendance du producteur par rapport au capitaliste. c) La condition - paradoxale en apparence - pour s’établisse un rapport distancié au travail est justement l’établissement du contrat de travail qui donne des droits universels au travailleur, en tout cas un minimum de droits. Le CPE rompt cette conquête et donc au contraire, va accentuer le rapport de "demande" vis à vis du travail, en provoquant à la fois sa rareté et sa précarité. Le CPE accentuera cette dimension productiviste et psychologiquement centrale du travail par l’exploitation accrue.<<

      Réponse : Oui, l’effort a porté avec succès au XXème siècle (c’est expliqué plus haut du point du vue de son avantage pour la bourgeoisie possédante) sur l’aménagement de la subordination, mais pas sur sa suppression ni sur la démocratisation de l’entreprise. Si l’effort avait porté sur le partage du pouvoir entre le producteur, le fournisseur, le client et le capital au sein de l’entreprise, nous n’en serions pas là, nous n’en serions pas à surexploiter les ressources, à subir des délocalisations, le diktat des logiques financières, etc.

      Les autogestionnaires pensent que l’avenir à construire est celui de la gestion multi-collégiale des services publics, celui de la co-gestion des outils de production et de distribution au sein d’organisations explicitement porteuses d’une éthique de désaliénation, de coopération et d’équité.

      Mais le plus difficile pour la « vieille gauche » dans les pays libéraux est de faire dans toute son étendue le constat de son échec historique, celui d’avoir fait le jeu du capital – notamment en ayant perpétué la subordination – en luttant pour des miettes d’avantages pour le salarié face au patron, des miettes de compensation pour le locataire face au propriétaire) au point d’en avoir fait le moyen de la reprodution sociale de ses luttes qui étaient aussi celles de son accession répétée au pouvoir politique. Cette collaboration avec le capital l’a été aussi en ce qu’il a de plus cynique, notamment par l’appui systématique aux entreprises coloniales outre-mer pour assurer – comment le qualifier autrement - de façon « mapommiste » le mieux-être des classes laborieuses métropolitaines.
      Celles-ci ont été clientélisées tant par la droite que par la gauche, et maintenues dans un lien de subordination « adouci » par des compensations en matière de sécurité et de confort, payés il y a peu encore par le tiers-monde colonisé, et maintenant par une dette publique indécente en perpétuelle augmentation.

      Ce passif quasiment impossible à regarder en face raidit les acteurs de la gauche historique et les rend incapables de mobiliser les mouvements sociaux dans la seule direction porteuse d’avenir sur le plan de la régulation systémique des activités humaines et de l’éducation populaire : la direction de la co-gestion et de l’autogestion des moyens de production, de distribution et de régulation.

      >>d) La condition pour que s’établisse un débat autour des vrais questions sur le sens du travail est d’abord sa désaliénation. ERREUR FONDAMENTALE D’ANALYSE ICI QUI INVERSE LA RAPPORT D’ALIENATION AU TRAVAIL EN LA FAISANT PORTER SUR LES EPAULES DU TRAVAILLEUR. Les luttes actuelles n’ont pas d’autre but, en toile de fond, que de limiter le rapport aliénant au travail. A AUCUN MOMENT IL NE S’EST AGI DE CONSOMMER, LES REVENDICATIONS PORTENT BEL ET BIEN SUR L’EXPLOITATION AU TRAVAIL.<<

      Si les autogestionnaires appuient les mouvement anti-précarisation, les saluent et les encouragent de toutes leurs forces, avec l’espoir qu’ils soient à la hauteur de leurs dimensions universelles, ils le font par solidarité, bien qu’ils partent de la désaliénation du travail comme préalable. Et il ne s’agit pas d’une erreur d’analyse, mais d’une position existentielle autant que d’un levier pour l’action (r)évolutionnaire. Oui, ils considèrent pragmatiquement que la responsabilité du rapport d’aliénation au travail porte d’abord sur le travailleur. Non pas parce que l’exploiteur n’est pas responsable de l’aliénation, mais parce que le refus de l’exploitation et de la subordination est de la seule responsabilité du travailleur, et cela à chaque fois qu’il a les moyens de ce refus. Pour ne pas tirer cette conclusion, tous les gauchistes et les anarchistes insérés, qui refusent d’appuyer les expériences autogestionnaires, de démissionner de leur poste d’exploité ou d’exploiteur pour créer ou renforcer une entreprise auto-gérée ou co-gérée, sont des alliés objectifs du grand capital ou de l’état dominateur, malgré leurs positions idéologiques et leurs défilés manifestifs.

      Si les autogestionnaires peuvent avoir un regard libéré des oppositions dialectiques entre exploiteurs et exploités au point de pouvoir relier les enjeux de la situation à ses autres aspects cruciaux, c’est qu’il ne leur viendrait même pas à l’idée d’accepter un emploi salarié et une relation de subordination où leur force de travail pourrait être employée de manière dommageable pour autrui ou pour l’environnement, ni d’employer quelqu’un pour l’exploiter, ou même – excuse-moi camarade - de l’employer pour le soumettre à quelque-chose d’aussi aliénant, insultant pour la liberté de la personne, et historiquement daté que le droit du travail lui-même tel qu’il existe aujourd’hui, en France notamment

      D’un point de vue autogestionnaire, l’effort des jeunes, des précaires et des exclus, et a fortiori l’effort des diplômés et des gens formés ne doit plus porter sur la recherche d’un emploi aliénant et insensé (en terme d’utilité, d’équité, d’environnement, etc.), rendu moins insupportable par le droit du travail, mais sur la création d’outils de travail, d’associations et de coopératives libres de toute relation de subordination et de compromission !

      e) GRAVE ERREUR D’ANALYSE digne des médias néolibéraux qui reprend le couplet des "classes moyennes". Ceci est absolument faux, le CPE concerne même en premier lieu les plus démunis. Cette lutte, menée au départ par des étudiants issus de la classe moyenne mais pas seulement EST A PORTEE UNIVERSELLE COMME DE NOMBREUSES AUTRES LUTTE. Citons le mouvement féministe.

      Oui, la précarisation concerne tout le monde et pas seulement les classes moyennes, mais ce sont bien les classes moyennes qui ont plus que les autres les moyens du refus de l’exploitation et de la subordination dans leur parcours de vie. C’est sur elles que repose la responsabilité de vivre (et de tracer des voies associant autrui) en accord avec leur éthique, encore faut-il qu’elles en aient une, avec leur conscience politique, encore faut-il qu’elles en aient une, avec leur capacité créatrice, encore faut-il qu’elles choisissent de l’exercer et de ne pas brader leurs talents au système de l’aliénation universel par la production-consommation et de la régulation administrative de ses conséquences. Encore faut-il qu’elle ne soit pas mapommiste, c’est tout le sens de la mise en garde faite dans ce texte qui n’a rien de néo-libéral, mais qui a peut-être tout juste le tort de ne pas céder par simplification à la vieille habitude du romantisme lyrique de la lutte.

      f) Même si elle se concentre sur la question du CPE, c’est un point d’appui pour aborder la question plus générale du rapport d’exploitation et justement DE L’ALIENATION AU TRAVAIL, DU SENS DU TRAVAIL. Avant de vouloir jouer les philosophes à critiquer un mouvement, regardons plutôt quels sont ses potentialités émancipatrices, cela me paraît plus constructif.
      SALUONS PLUTÖT L’EMERGENCE DE CETTE CONSTESTATION A GRANDE ECHELLE DE L’EXPLOITATION, CAR C’EST BIEN DE CELA QU’IL S’AGIT.

      Il ne s’agit pas seulement de REGARDER « quelles sont ses potentialités émancipatrices » (et de se masquer ses potentialités d’illusionnement), c’est-à-dire il ne s’agit pas seulement d’espérer que le mouvement en ait (comme le téléspectateur espère que son équipe fétiche gagne), mais de développer par tous les moyens de la recherche commune de solutions ces potentialités émancipatrices. Or cela ne se fait pas en se passant de la pommade ou en s’accusant à tout bout de champ de « néo-libéral ». Toute critique du pensum et des habitudes de lutte de la gauche n’est pas forcément de droite. Ce n’est pas aussi simple.

      PB

    • Réponse à l’auteur des lignes précédentes :

      1. Le titre de son article méritait un meilleur respect des manifestants. Parler de « mapommisme » en évoquant les seuls manifestants est le réflexe pavlovien individualiste (qui sert de justificatif à l’inaction ?). Ce « mapommisme » de l’auteur est, disais-je, celui d’un courant anarchiste pour qui les révoltes ne sont jamais assez révoltées, les révolutionnaires jamais assez révolutionnaires.

      2. JE CROIS QUE L’AUTEUR DES LIGNES PRECEDENTES ET DE L’ARTICLE NE MESURE PAS LA GRAVITE DE CE QUI SE JOUE ICI ET MAINTENANT DANS LA RUE, DANS LES FACS ET LES LYCEES SUR LE PLAN DE LA DEMOCRATIE. CAR LA QUESTION N’EST PAS SEULEMENT LE DROIT DU TRAVAIL, la question concerne la démocratie, fusse dans sa forme étriquée et « bourgeoise ». L’étouffement de ce vaste mouvement pourrait signifier à terme le retour d’un régime anti-démocratique pour qui le parlementarisme ou les voix classiques de gouvernance du capital sont devenues encombrantes. L’échec du mouvement anti CPE signifierait à terme l’échec de toute tentative de révolte à grande échelle, la fin de non recevoir opposée d’avance à toute revendication. La mouvance anarchiste paiera également comptant. Ce que les anarchistes ou groupes auto-gérés organisés ne réalisent pas, c’est que leur mode d’action et réflexion a besoin aussi d’un cadre « démocratique », plus général fut-il parlementaire. L ‘action et/ou la réflexion auto gestionnaire reculera encore d’avantage elle aussi. Le gouvernement cherche à réduire à néant le sentiment même, l’énergie même de la révolte, et les conséquences de ce point de vue sont gravissimes. Le risque de dérive fasciste n’est plus à écarter car de facto, nous avons déjà un gouvernement – le pire depuis 1945 - qui s’assoie sur la démocratie.

      3. Venant-en justement à cette autogestion. Ce débat que nous avons est vieux en fait, et contrairement aux apparences, il s’agit là d’un réflexe « pavlovien » issu de la mouvance anarchiste aussi vieille que l’est la mouvance marxiste par exemple. Je tiens à faire plusieurs remarques :
      a) La sociologie des groupes qui se réclament de l’auto-gestion en France m’a montré par expérience que cela ne sort pas d’un cadre bien déterminé où l’on côtoie des « artistes » et une faction des classes moyennes en marge en recherche d’une forme d’autonomie. On ne peut que souscrire à cette démarche, mais lorsque l’on étudie au plus près ces groupes, on réalise que nous sommes également face à un « habitus » (au sens sociologique) partagé qui permet effectivement à ces personnes de créer – même de façon bancale – des expériences auto gérées, qui, cela dit restent d’ordre culturel ou militants. Il s’agirait – selon moi – d’une forme d’individualisme de groupe.
      b) En effet l’autogestion est un thème central à développer et mettre en pratique si l’on tient à faire reculer ici et maintenant le pouvoir du capital. Un esclave ne se révolte qu’à partir d’un espace où il est libre, et de ce point de vue, il est absolument nécessaire d’aménager ces espaces dans la rue, dans l’entreprise, dans des lieux « alternatifs » etc. Je ne peux que souscrire à l’idée qu’il est important de relancer le débat sur l’appropriation des moyens de productions et d’échange – pour utiliser le formule marxiste. Encore faut il provoquer concrètement ce débat, et proposer précisément de porter cette réflexion sur la place publique à l’intérieur du mouvement en cours …
      c) La question du « dépassement » du capitalisme ne doit pas se limiter à l’autogestion et aux coopératives. Car les coopératives ne sont pas une réponse suffisante lorsque l’intérêt collectif est en jeu. On peut imaginer des coopératives de fromage ou de machines à laver même, mais la question se posera pour les biens d’intérêt général comme l’eau, le logement, la santé, l’éducation etc. « L’individualisme « ou le « localisme » des groupes anarchistes ne leur permet pas de mener une réflexion plus globale sur le lien entre les coopératives et les services publics par exemple. Les services publics nécessitent des délibérations publiques car ils sont regardés par la société comme essentiel. Un collectif de travailleurs répétons le, peut également se comporter de façon égoïste du point de vue de la collectivité.
      d) J’EN VIENS DONC A CE POINT IMPORTANT QUE, OUTRE LES COOPERATIVES, IL EST NECESSAIRE DE DEVELOPPER LA PROPRIETE PUBLIQUE (PAS D’ETAT, UNE PROPRIETE DEMOCRATIQUE donc, mais qui permet le contrôle par tous les citoyens) et bien entendu un droit public du travail.
      e) Toute société -même démocratique (au sens fort, c’est à dire politiquement et économiquement) a besoin d’un cadre juridique qui protège les travailleurs et personnes. Les dérives observées dans les coopératives actuelles (relations de pouvoir etc.) en sont l’éclatante illustration. Enfin bien évidemment le cadre capitaliste libéral dominant empêche l’émergence des coopératives en raison du système concurrentiel (mais il est vrai, une étude plus fine devrait être menée là dessus).
      f) Enfin l’auteur des lignes précédentes associe le droit du travail au compromis qui lierait le travailleur au capitaliste. Cela est vrai dans une certaine mesure, même s’il ne faut pas perdre de vue, que le progrès en matière de droit s’est imposé malgré et - non pas grâce au - capitalisme. La défense de ce droit, son développement est tout simplement une urgence pour les plus précaires. Ensuite ce n’est pas parce que nous respirons de l’oxygène, que l’oxygène est capitaliste. Il faut cesser de voir les formes de libertés conquises dans nos sociétés comme des compromissions vis à vis du capital. LE CAPITAL PEUT EN FAIRE SON PROFIT A POSTERIORI CERTES, mais les contradictions du capitalisme sont telles que celui ci à terme, cherche à se débarrasser de ces droits « encombrants », car ils n’entrent pas dans sa logique essentielle qui est le profit maximum.
      g) Il est nécessaire de relancer l’alternative concernant les coopératives, et l’abandon de ce débat est une énorme faute de la gauche (marxienne) depuis 68, cela est clair. MAIS CELA NE PEUT SE FAIRE SANS UN DEBAT SUR LA PLACE PUBLIQUE, FAUTE DE QUOI CES EXPERIENCES RESTERONT MINORITAIRES ET INDIVIDUALISTES.

    • Un mot encore concernant l’autogestion. Les expériences de SEL par exemple montrent que l’autogestion toute seule en tant que telle est insuffisante. La conception autogestionnaire doit être portée au delà, par une autre vision du monde, d’autres croyances que le cadre capitaliste libéral actuel. Un travail des consciences de toute la société est donc indispensable. L’économie n’est pas seulement une question de rapports de production (capitalistes etc..) elle met en jeu des affects, des croyances de toute la société, issues certes de ces mêmes rapports, mais on mesure combien l’idéologie libérale, la destruction capitaliste actuelle est en grande partie, affaire de propagande médiatique (ce qui est l’équivalent stricte de la religion jadis), puique en fin de compte les classes moyennes - "consommatrices" - sont lésées, ce qu’elles réalisent seulement trop tard ... La construction des alternatives passent également par ce que j’appelle le nouvel athéisme : contre le Dieu télévision.

    • Concernant les coopératives, par exemple, on voit bien que le libéralisme peut trés bien s’accomoder de ce type de propriété, comme il s’accomode du commerce équitable. Le combat pour le DROIT, les biens communs, et les services publics est donc indispensable et corrolaire du combat pour l’appropriation des grands moyens de production par les travailleurs.

    • Héla, le mapommisme ne touche pas que le MEDEF même si cette structure le développe à une échelle planétaire et il va même jusqu’à toucher des structures politiques de gauche : donnez-nous vos idées, nous les transmettrons en haut...

      Ce qui donne des représentants étudiants et lycéens avides de réceptions dans les murs de Matignon qui se contentent du peu...

      Il faut rester sur l’idée du retrait complet, les aménagements proposés ocncerneront les mieux lotis, les bourses seraient maintenues nous apprent-on et la précarité qui va avec aussi...

      C’est étonnant cette manière dont la précarité remise en question au travers du CPE disparaît maintenant complètement du tapis des négociations...

      Ceci dit, l’aliénation au travail atteind son point culminant dans l’idée de patriotisme économique jeté en pleine face de l’inconscience nationale. Ce patriotisme économique est une véritable aberration car il est contraire aux accords du Traité de Rome puisqu’il viole l’idée de circulation monétaire en dehors de toutes barrières nationales et les fusions qu’il envisage se feront au profit de petites structures distantes de la retabilité internationale...

      Donc, oui, aliénation au travail sacralisé en institution

      Ah, elle est belle la droite et a véritablement du mal à s’inventer pour survivre...

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