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Philosophie et Libéralisme

La précarité, l’arcane principal du système économique capitaliste

mardi 30 mai 2006

Petite synthèse de l’intervention d’Alain Bihr au sujet de la précarité prise en tant qu’arcane principal du système économique capitaliste - Maison des Associations, salle Marguerite Yourcenar, Strasbourg le jeudi 18 mai 2006.

Pour ceux qui ne vivent pas encore du lucre et de l’opulence des bénéficiaires principaux du capitalisme, ceux pour qui les empires financiers resteront toujours de lointaines nébuleuses à éviter où règne la corruption et l’hypocrisie des faux dons, ceux qui sont déjà sortis du capitalisme - l’effort n’est pas des moindres et sans doute qu’Alain Bihr a déjà trouvé l’échappatoire à l’irréversible rien qu’en la pensant et en l’exposant d’un argumentaire sans failles cette sortie du capitalisme à laquelle l’histoire n’échappera pas - ou qui désirent ardemment en sortir, certainement sous peu ou encore plus rapidement si cela était possible - mais là il faudrait « licencier » le gouvernement - ; le désormais célèbre Maître en philosophie maintenant consacré à l’enseignement de la sociologie en terre francomtoise connu pour son analyse pointée d’une incomparable profondeur portée sur les rouages de l’extrême droite n’hésite pas à montrer sous quels contours le système capitaliste que nous finirons finalement tous par à peu près haïr se met à parler de « génération précaire » non pas comme une difficulté à laquelle il faudra désormais s’habituer mais en tant que transparence qui n’a plus rien à cacher de ses rouages sophistiqués mis en place pour mieux exploiter, accroître la pauvreté et rendre de plus en plus riche des individus sui n’auraient pas besoin de devenir encore plus riche s’ils étaient mus par les mêmes bases d’analyses historiques et des fondements philosophiques cimentés d’une matière politique presque identique et ceci pour l’ensemble de l’humanité et non pas pour des capitalistes seulement car à force de nous prôner que le libéralisme - il est devenu plus doux de substituer ce terme plus flou à celui de « capitalisme », déjà une manière de l’enterrer, hé, hé - est utile à tous et qu’il sert tout le monde il (le néolibéralisme comme l’appelle Alain Bihr, peut-être la forme finissante du « capitalisme ») finira par ne plus concerner que deux bernés, ultimes eux aussi, prêts à appuyer sur le bouton rouge dans un dernier combat pour la domination motivant l’irréfléchi désir de connaître le souffle atomique de la dernière expérience humaine.

Il montre dans un éclat extraordinaire qui remuerait bien des volées de bois vert qu’« au cœur même du salariat qu’est la transformation de la force de travail en marchandise, se trouve déjà inscrite la précarité » ! A considérer, pour le comprendre, qu’il faut se munir d’une solide culture marxiste pour comprendre que ce système économique, en définissant la précarité comme le font ses gouvernements, se lave les mains comme le plus insouciant des Hérode et trouve en son utilisation un instrument franchissant les limites de l’acceptable qu’imposeraient des barrières à ne pas franchir en matière de « droits acquis » des salariés. Mais ceci ne peut s’exécuter qu’à la condition de ne pas cacher aux yeux de la culture économique les manières dont les ouvriers furent dépouillés de tous moyens de production. Réduits à la plus simple expression d’une force de travail qu’ils allaient bientôt même plus savoir à qui la vendre, déconnectés de tous moyens de coordination à l’outil de production, livrés à eux-mêmes, ils doivent alors affronter seuls le marché. Leur force de travail est ainsi réduite à une simple marchandise. Ils s’exposent alors aux marchés où sévit « la roulette russe de l’ensemble des agents privés ». Coupés des « interdépendances » mais certainement plus libres, ces « individus anomés (anomie) à agir à l’aveuglette, à l’espérance d’insertions heureuses » se retrouvent dans une situation où ils ne sont plus considérés socialement comme rentables tandis que leurs compétences sont quant à elles certainement moins nécessaires au système économique contemporain qui lui, bien qu’on prétende qu’il se transforme et s’adapte dans la meilleure des évolutions possibles, n’en possède pas moins certains invariants que sont le chômage comme il le fut pour un temps et maintenant la précarité qui prend sa place ou fonctionne de concert dans les tours du manège capitalistique qui restera désenchanté pour plus des trois quarts de l’humanité.

Alarmé par l’intervention de Robert Castel sur France Culture qui mettait en scène l’émergence d’un nouveau rapport salarial, le précariat, Alain Bihr rétorque avec confiance que « loin d’être une dénaturation du salariat, la précarité est en rapport consubstantiel avec le salariat, ce serait une contradiction d’affirmer le contraire ». Encore plus intrigué par les détournements opérés autour du terme CPE égalé au Chômage / Précarité / Exclusion et identifié par un point de repère dans le CDI comme unique rapport salarial possible, Alain Bihr voyait se dessiner autour de la précarité « une exception, une dénaturation du salariat » alors que cette précarité repose directement sur le système économique capitaliste et n’a rien d’accidentelle…

Tapotant d’abord finement sur les ecchymoses du capitalisme pour en livrer au fur et à mesure les plaies béantes, l’apparition récente de la précarité dans ce système économique n’est pas un simple accident comme le seraient toutes « crises inhérentes à son fonctionnement qui permettent régulièrement au capital de se purger de ses excès (bourses qui craquent, entreprises qui ferment), de faire peau neuve par l’aggravation des conditions d’emploi et de travail qui permettent d’accroître l’exploitation » car alors Alain Bihr nous réveille en précisant qu’il faut parler de précarité depuis la première crise économique de 1973 et à l’auditoire de contempler ce qui n’a pas été réalisé par un pouvoir de gauche d’obédience socialiste et communiste attendu avec impatience au départ en 1981 et rejeté à coups de pieds au cul par ceux qui en restaient en 2002, à savoir la formation socialiste se retrouvant bien seule dans ses défaites électorales annoncées par le fonctionnement interne d’un parti lâché aux déchirements de ses propres rivalités internes et subitement livré aux mains de ses propres carriéristes.

Et alors, l’enseignement à en tirer ? Etre communiste jusqu’à ce que tombe le capitalisme et cela est une autre question mais reste néanmoins pour autant la seule alternative possible envers la raison historique face aux « facteurs conjecturels actuels qui aggravent ces situations de précarité ». Sombrant enfin dans une « dialectique d’invariance des changements » où tout serait censé changer pour que finalement tout reste pareil Alain Bihr décrypte posément les contradictions du capitalisme et énumère les facteurs évolutifs qui tout en aggravant les situations de précarité finit par renflouer allègrement la masse du capital dont bénéficient très peu d’individus.

CES FACTEURS CONJECTURELS ACTUELS QUI AGGRAVENT LES SITUATIONS DE PRECARITE SONT AU NOMBRE DE QUATRE.
Rappelant qu’au travers du post-fordisme, « les formes d’utilisation des forces productives que le capitalisme a développé pour faire face à la crise sous trois caractéristiques (fluidité - ne connaître aucun temps mort, les décisions se prennent dans les dix minutes implique que l’avenir c’est dix minutes et pas plus -, flexibilité - rapidité réactionnelle face aux variations des marchés en volume et en répartition) dont la troisième est DIFFUSE et ne concentre plus l’ensemble production / gestion dans le même espace temps. Ainsi par le biais de la décentralisation, de l’externalisation et l’intermédiaire de la sous-traitance, ces trois facteurs sont synonymes de précarité salariale. »

Ensuite, par « l’effet de la mondialisation, pas si récente, vieille elle aussi d’au moins un siècle, le marché des capitaux et de la force de travail parallèlement au développement du commerce international, la trans-nationalisation et la sous-traitance internationale, l’exportation de capitaux tendent également à accroître la précarité salariale. »
Cqfd avec la prédominance du capital financier en troisième position et l’éclosion des politiques néolibérales proprement dites qui libèrent l’ensemble des règlements du marché du travail tout en accentuant inversement le chômage et la précarité vous obtenez de facto une équipe libérale sommes toutes assez réduite, « le deus ex machina de la Théodicée sociale » plongé dans une situation bien réelle où vouloir la fin de la précarité reviendrait à « réclamer la liberté sous la férule de l’esclavage » ! ! Et bien c’est ce pari qu’une gauche différente de celle qu’on connaissait jusqu’à présent pourrait se lancer et s’offrir le seul luxe en rapport avec son histoire, franchir le premier tour d’une élection présidentielle. Chacun choisira son camp camarade, foi de Jean Cavaillès !

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