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Une trace de la conférence à Hautepierre le 16 juin 2005

"Vivre ensemble" et "Paix juste"

Le collectif des musulman et l’union juive organisent ensemble une conférence...

jeudi 29 décembre 2005

Le Galet, non pas un pavé dans la mare mais avenue Honoré de Balzac dans cette banlieue strasbourgeoise si souvent au centre de l’actualité à la rubrique des faits divers - mais après tout, à force de n’en retenir que cela, n’est-ce pas là un moyen détourné pour faire comme si la simple existence ne lui était pas due à cette cité - ; il n’était pas facile pour Michel Warschawski, et certainement moins encore pour Tariq Ramadan devenu une référence bien plus médiatique, de venir démontrer dans une salle comble que le fait de considérer que « ce n’est pas le moment de parler du problème palestinien dans des banlieues prêtes à s’enflammer sur cette question » était une conception fausse, erronée de préjugés sans fondements provenant d’un discours politique faisant presque abstraction du vécu de ces hommes et de ces femmes dans des conditions souvent difficiles qui ne proviennent, hélas, pas forcément directement des violences « adolescentes » de leurs enfants.

Bien qu’il ne faille pas la légitimer cette violence, il s’agit de la comprendre politiquement (sans doute aussi économiquement) pour mieux la juguler et il en ira de même lorsque sera abordée la question du terrorisme, point sur lequel les deux intervenants ne divergeront jamais quant à leur devoir de dénonciation de tous types de violence et plus spécifiquement encore si celle-ci émane d’un peuple oppressé face à des formes gouvernementales oppressives.

Malgré cela Tariq Ramadan ne se privera pas de mentionner avec prudence et éclaircissement l’existence organisée du « terrorisme d’Etat » également condamnable puisqu’il n’amène, sous quelque forme que ce soit, que « de l’injustice, de la violence et de la terreur ».

Entre « l’exil des pères » et « l’instrumentalisation du bélier » Tariq Ramadan s’étonne qu’un terme ne soit pas encore mis à cette demande, toujours reformulée, « de nous intégrer » comme si les mêmes racismes se répétaient sous des formes tentées du pouvoir qui utiliserait à cet effet différentes caricatures allant de « vous faites partie d’une internationale » jusqu’à un plus cuisant « vous les juifs, vous faites partie du double discours »
. Renvoyant alors à une destruction des valeurs communes et universelles le droit des personnes à l’état d’un « enfermement qui ethnicise », il invite à « sortir de nos ghettos sociaux, culturels et religieux pour aller vers un principe de co-existence entre différentes cultures ».

Aux trop sommairement énumérés sentiments de victimisation des communautarismes Tariq Ramadan conseillerait plutôt le « devoir d’histoire » au si souvent revendiqué « devoir de mémoire » qui mettrait en fait différents types de mémoire conditionnées en opposition pour finalement aboutir à l’exercice d’un « chantage aux mémoires ». Tout autant faussée dans sa définition est également à ce jour « l’arme du pauvre » qui chercherait à légitimer des formes de violence un peu moins mentales, justificatifs politique et historique mais qui se condamnent du point de vue éthique bien qu’il ne faille pas oublier que « dans l’histoire il y a un peuple qui a été lâché, maintenant il se fait lyncher », en référence à la situation palestinienne. Seule la construction sociale de la réalité qui passe par la diversité viendra à bout de l’oppression presque fictive étant donné qu’elle provient d’une construction politique qui n’insiste pas assez sur des conceptions plus larges où l’individu, qu’il soit arabe ou juif, Palestinien ou Israélien puisse vivre « dans le respect des droits à être dans une collectivité structurée garante du droit et de la possibilité d’existence ». Les Etats se devant de former uniquement chacun, en soi, « un Etat avec des citoyens de droit commun » allégé de toutes considérations liées aux intégrismes s’entend.

Le problème identitaire et son amplification internationale que soulève la question palestinienne engage pour Tariq Ramadan « un combat de la conscience critique contre ses propres émotions » qu’il confronte à une double inadéquation où d’un côté on considère l’expression de l’autre comme une menace, chez les « Français de souche » qui par l’entretient des peurs favorisent l’enfermement ; l’autre facette restant une « perturbation idéologique de la domination » où des « stratégies locales de la suspicion » édictées par de « virtuelles logiques du conflit » ont des retombées très locale jusque dans des cités également touchées où les populations font part d’une soif d’information avec la ferme volonté de sauver le vivre ensemble et rejeter la conception « totalement suicidaire » appuyée par le nucléaire qui consiste à maintenir une guerre permanente et préventive excluant toute possibilité d’entente suite à « la colonisation des esprits ».

Ce mécanisme s’opérant dans les consciences, Michel Warschawski le démonte et en prouve son non droit en ne discutant même pas le fait que « le modèle républicain est en panne » suite au trop intempestif « renforcement de l’identité d’origine telle cette identité gauloise » sur lequel on n’a pas fini de s’interroger mais qui toujours nous positionne dans une sorte de « mélange d’exclusion et d’acceptation » quadrillé par un apartheid global directement calqué sur les problèmes émergeants du contexte international. Ironisant ensuite presque sur une France qui aujourd’hui « n’est plus uniquement un pays de blancs », on perçoit dans quelle urgence se trouve l’apprendre à vivre ensemble alors qu’il reste « le seul moyen pour sortir du clash des civilisations où Bush et Sarkozy nous mènent, croisade de la chrétienté contre l’islam ». Enfin, se référant à son précédent ouvrage L’insurmontable chantage - son dernier recueil, plus sensible et le très personnel Sur la frontière est déjà devenu un mot d’ordre, « passe frontière, traverseur de frontières [ ou encore ] marcher sur les frontières » comme il lui plaît de le rappeler lorsqu’il précise où se situe son action -, Michel Warschawski montre de quelle manière la double intransigeance de l’Etat et de la citoyenneté « empêche toutes critiques vis-à-vis des gouvernements israéliens ». Situation compromettante lorsque, rappelons-le encore une fois de plus, les droits fondamentaux stipulent un droit à la différence conduisant à la reconnaissance du « devoir de différence ». Pour parler de co-existence il faut que les deux parties reconnaissent chacune l’existence de l’autre et non pas imposer des formes de « non droit à l’existence ».

Formes de racismes, de xénophobies n’étant pas à hiérarchiser en formes structurelles presque intégrées à nos modes de fonctionnement sociaux où par le chiffre on dédramatiserait 500 actes islamophobes d’un quantitatif 1200 actes antisémites au détour des positions de principes qui permettraient réellement de lutter efficacement contre le rejet de consciences qui marque « la perte de tout sens d’une quelconque pensée autocritique », Tariq Ramadan rappellera à son tour que « seule la république peut-être structurante, si elle le voulait bien » avant de rejeter la banalisation du discours sécuritaire et une certaine instrumentalisation d’agents de l’Etat qui prétendent savoir ce qui est bon pour le pouvoir, pas en peine de créer un climat de « confiance dans le désaccord » alors qu’il faudrait « gérer les désaccords à partir de principes communs » omis.

Tariq Ramadan sondant plus directement l’Etat, Michel Warschawski fera remarquer « avec d’autres comment fermer la bouche à Israël, loin d’être représentative de l’ensemble des populations juives du monde » et demande, avant de constituer sous forme de moratoire un condensé des revendications pour un droit à l’autonomie palestinienne, que soit prise en considération une autre voie qui n’appartient pas au CRIF, « aux protestants intégristes, férus partisans de Sharon » pour reprendre le décryptage de Mr Ramadan et que tous deux considèrent comme le seul moyen revendicatif pour éviter « d’être la ligne avancée de cette guerre civilisationnelle » (Tariq Ramadan) où nous emportent les opinions unilatérales. Israël n’étant pas « une ville au cœur de la jungle » comme la qualifiait Ehud Barak et les cités dites sensibles non plus, l’invitation lancée par ces deux intervenants qui sont de fins connaisseurs du terrain nous place au moins au niveau de « la conscience des responsabilités effectives, collectives et individuelles » prolongeant ainsi les vœux de l’Union Juive Française pour la Paix (UJFP) dont Jean-Claude Meyer, le représentant pour l’Alsace du bureau national à Paris, membre et organisateur de la soirée avec le Collectif des Musulmans de France (CMF) dont Mohamed Akbar est le coordinateur strasbourgeois, rappelait en introduction les deux principaux terrains sur lesquels milite cette association laïque à savoir, la paix au Proche Orient et le retrait par Israël de tous les territoires occupés pour aboutir à un Etat indépendant et viable pour tous les Palestiniens, l’évacuation de toute la Cisjordanie d’une part, en ce qui concerne les territoires extérieurs et d’autre part, un engagement militant contre les conséquences négatives que ce conflit du Proche Orient aurait pris comme ampleur dans notre société sous forme d’antisémitisme, d’islamo phobie et de toutes autres formes de racisme.

Ces positions sont également soutenues par plusieurs mouvements et rassemblements à vocation indépendante qui organisent des actions en fonction des nécessités du terrain - la démocratie a pour devoir d’en tenir compte - où des partenariats actifs se sont implantés à Strasbourg, Colmar, Metz, Lyon et jusqu’en Franche-Comté pour ne citer que les principaux courants utilisant des appellations aussi diverses que collectif contre les lois d’exclusion ou comité citoyen pour la lutte sociale. Ces formations entendent dépasser le politique et ne visent qu’à défendre, « autrement qu’en restant assis sur sa chaise », le droit et le respect de la personne humaine, tant au niveau local que transposé à l’échelle internationale sur laquelle Israéliens et Palestiniens atteignent un point d’ébullition inquiétant.

Rassemblés dans une discipline d’écoute qui mettait encore plus en valeur la démarche de Michel Warschawski et de Tariq Ramadan unifiant dans une même volonté de combattre les philosophies et les politiques qui cherchent à diviser et mettre en guerre des civilisations les unes contre les autres tout en redéfinissant le débat concernant le rôle de l’Islam en Europe et dans le monde, un auditoire aussi attentif que diversifié de multiples nationalités présentes se montra compréhensif, un peu plus revendicatif lors d’une partie consacrée aux questions dans la salle. Sentant là une volonté encore plus grande d’une coexistence réelle entre des gens de nationalités et de religions différentes pour s’éloigner des écoles confessionnelles susceptibles d’être créées par un engouement trop prononcé pour le communautarisme social « où les gens riches ne rencontrent plus les pauvres », M. Warschawski laisse un encouragement chaleureux pour chacun à ne pas « renoncer à sa spécificité » et faire au possible pour que l’intégration ne se transforme pas en une conception péjorative qui se refuse à s’identifier à l’assimilation.

Ainsi agencée, « l’intégration devenue une exigence d’assimilation avec une impossibilité d’intégration » risque fort de compromettre la cohérence humaine entre les peuples selon Michel Warschawski qui questionne encore le retard pris par les mouvements sociaux français par rapport à d’autres pays un peu comme si nous n’étions que « le dernier wagon des mobilisations de masse parce que la jonction entre mouvement social et traditionnel ne s’est pas faite et a des difficultés à se faire » ; aux libertés des engagements de chacun prêt à redéfinir « une paix juste au Proche Orient dans le respect des peuples à disposer d’eux-mêmes », voilà de quoi donner courage et espoir à cette Caravane du droit qui quittera le Parlement européen le 5 juillet pour se rendre à Jérusalem défendre partout où il serait bafoué ce droit du sol et de la personne.

L. Ch.

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