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initiative citoyenne pour la Paix

Des "femmes en noir" à Strasbourg

Rassemblements le samedi 9 octobre au salon des associations et place Kleber

vendredi 8 octobre 2004

Face à la folie meurtrière du gouvernement Israélien à Gaza et en Cisjordanie (plus de 100 morts, dont de nombreux enfants, des milliers de maisons détruites...), à la timidité des réactions européennes et au désespoir qui nous envahit devant l’absence d’issue visible à ce conflit, les femmes du Collectif judéo-arabe et citoyen pour la paix ont décidé d’exprimer leur révolte en créant un groupe de "femmes en noir" à Strasbourg

(ci-dessous un texte expliquant l’origine et les objectifs de ce mouvement).

Notre première manifestation - silencieuse - aura lieu lors du salon des associations, ce samedi 9 octobre à 11h, au Wacken (hall 20).

Nous déciderons à ce moment-là du lieu et de la régularité de nos futures manifestations.

Si vous voulez vous joindre à nous, venez samedi matin ou laissez-nous vos coordonnées (par mail ou au stand du collectif judéo-arabe au cours de ce week-end).

Faites connaître cette initiative autour de vous !

A bientôt !

Collectif judéo-arabe et citoyen pour la Paix
Maison des Associations
Place des Orphelins, Strasbourg
collectifsbg@yahoo.fr
Tél : 06 22 37 80 43

LES FEMMES EN NOIR DE JERUSALEM.
" TOUTE OCCUPATION EST UNE OPPRESSION ".

Ce texte a été réalisé à partir des interviews d’Yvonne DEUTCH et Gila SVIRSKY fin août 2001 à la rencontre internationale des " Femmes en noir " à Novi Sad en Yougoslavie.

Inspirées par les Mères de la place de Mai

Silencieuses, vêtues de noir, les " Femmes en noir "(1) de Jérusalem sont apparues lors de la première Intifada. Tous les vendredis, place de France à Jérusalem-Ouest, leurs pancartes " fin de l’occupation ", en anglais, en hébreu et en arabe disaient clairement qu’elles refusaient la politique d’occupation des territoires au-delà de la ligne verte, de l’Etat d’Israël et de ses gouvernements successifs. Elles rappelaient à chaque " qu’il n’y a pas de paix sans justice ".
Les agressions verbales et même parfois physiques des passants ne leur ont pas été épargnées. Que des femmes anonymes brisent le tabou et osent dire publiquement qu’il n’y avait pas de paix possible sans que les territoires occupés soient rendus et constituent un Etat palestinien était difficile à supporter pour l’opinion publique israélienne. C’était la trahison et la trahison par des femmes, ce qui fit se déchaîner le sexisme à leur égard.
Pourtant comme les Mères de la place de Mai (qui les ont inspirées), leur ténacité, leur dignité, ont payé. Elles sont devenues emblématiques de la résistance non violente des femmes à une situation d’injustice ; d’autres groupes de " Femmes en noir " se sont crées de par le monde, à Belgrade, en Colombie, en Italie, en Espagne, aux USA… Et le réseau se retrouve une fois par an.
Deux d’entre elles ont retracé leur histoire et leurs nouvelles actions depuis un an.

Origine des " Femmes en noir " de Jérusalem

C’est dans le contexte de la guerre du Liban que naît le mouvement pacifiste israélien ; " Paix Maintenant " (2) apparaît en 1979. En 1984 est crée un Mouvement des Femmes pour la Paix qui était en gestation depuis 1982. Refondé en 1989, il donnera la naissance en 1994 à la " Coalition des Femmes pour une paix juste ".
Pour la première fois, les femmes ont manifesté au moment de la guerre du Liban. Il faut dire qu’après 1973 et l’occupation des territoires, l’armée et l’importance de la place qu’elle occupe dans l’establishment israélien commencent à faire l’objet de débats. En Israël, les femmes doivent effectuer leur service militaire, au même titre que les hommes, mais en réalité beaucoup réussissent à s’en dispenser. La gauche radicale a toujours développé les mots d’ordre de solidarité avec le peuple palestinien et quand éclate la première Intifada, ce travail continue.
Mais du coté des femmes au sein du Mouvement de la Paix, une combinaison originale de féminisme radical et de gauche radical, donnent naissance aux " Femmes en noir " de Jérusalem en 1988 autour de la figure emblématique de Hagar Roblev (décédée en 2000).
Ce mouvement va être capable de rassembler, autour d’une base commune, qui est la fin de l’occupation des territoires palestiniens, des femmes ni radicales, ni forcément féministe et pour beaucoup ce sera une véritable rupture.
L’idée force est d’appliquer la critique féministe de l’ " occupation " subie par les femmes dans un monde dominé par les hommes, à ce qui se passe dans les territoires occupés ; " toute occupation est une oppression ". C’est ainsi disent-elles, qu’elles ont pris conscience qu’elles étaient dans le camp de l’occupant et qu’elles ne voulaient plus l’être. Démarche de femmes, démarche de citoyennes, démarche de mères aussi ; jusqu’ici l’armée constituait le creuset de l’unité nationale, désormais elles estiment que ce ne sont plus les valeurs qu’elles veulent voir transmettre à leurs enfants.
Et vis-à-vis des Palestiniens, ce n’est pas d’abord la solidarité qu’elles mettent en avant, c’est plutôt le côté " amoral " ; ces enfants que l’on tue pourraient être les nôtres, c’est une guerre civile contre des femmes et des enfants. Des femmes, qui ne sont ni radicales, ni féministes, vont alors adhérer à cette démarche et pour beaucoup c’est une véritable rupture.
On assiste donc à une mobilisation qui déborde les réseaux habituels de solidarité politique et qui va renvoyer à la société israélienne l’image de l’occupation et de la répression qu’elle fait régner sur le peuple palestinien, image renvoyée par des femmes en deuil se dressant dignes et silencieuses. Un véritable choc. En décembre 1988 a lieu une grande conférence sur le thème de " l’attitude féministe contre l’occupation " qui rassemble bien au-delà de l’aire féministe.

Se faire connaître

Au début les médias font silence, les femmes font elle-mêmes leurs photos de la manifestation pour la faire connaître. Peu à peu leur présence s’impose malgré les avatars, elles rallient autour d’elles et deviennent un maillon fort du camp de la paix. Le rassemblement du vendredi, place de France à Jérusalem finira par être connu dans le monde entier. Les " Femmes en noir " sont devenues emblématiques des femmes luttant contre la politique de leur gouvernement avec la seule force de leur conviction de femmes. D’autres groupes se créeront sous ce sigle dans les années suivantes dans d ’autres situations, à Belgrade par exemple.

Lent cheminement vers une collaboration entre femmes israéliennes et palestiniennes

C’est tout naturellement la volonté d’aller vers les femmes de l’autre camp qui est aussi dans leur démarche ; " en tant que féministes on voulait écouter les Palestiniennes, comprendre ce qu’elles vivaient. " Il y avait bien sûr des contacts avec les Palestiniens pour des actions de solidarité, mais pas de liens spécifiques avec les femmes.
"C’est difficile d’inspirer la confiance quand on fait partie du camp des oppresseurs, car la violence produit une contre violence, il faut absolument en prendre conscience ", disaient-elles et en effet la méfiance était grande du côté palestinien. Ce sont des féministes italiennes des mouvements de paix qui vont aider à vaincre cette méfiance. Elles sont le troisième élément de cette combinaison. Leur intervention permet de dégager un espace politique commun entre femmes israéliennes et femmes palestiniennes. Le premier résultat sera une présence de 55 femmes palestiniennes à une conférence commune. Peu à peu une collaboration va pouvoir s’établir, uniquement sur les problèmes de l’occupation. En 1992 sera crée le Lien de Jérusalem (3) dans lequel Israéliennes et Palestiniennes (en particulier celles du Centre pour femmes de Jérusalem) ont toute une gamme d’actions communes en direction des femmes, des enfants, des écoles, de la santé, des prisonniers…
C’est en 1989, que des femmes israéliennes et palestiniennes organisent ensemble la première journée du Temps pour la Paix. Cette manifestation, pour une solution négociée des deux Etats, a duré plusieurs jours et a fait se déplacer près de 2000 personnes venues de l’étranger, surtout d’Europe. La seconde journée, avec la chaîne humaine autour de la vieille ville de Jérusalem, était organisée par Paix Maintenant.
Le dernier vendredi de décembre de la même année, des femmes palestiniennes et israéliennes se succèdent alternativement dans des débats organisés à Jérusalem-Ouest. Puis c’est le rassemblement place de France d’où part une longue manifestation ; plus d’un millier de personnes venues de toute l’Europe, sévèrement contrôlée par la police à cheval, sont allées rejoindre symboliquement à Jérusalem-Est le théâtre où les femmes palestiniennes ont préparé une manifestation culturelle. Des affrontements auront d’ailleurs lieu près du théâtre.

Les ravages de la guerre du Golfe

Quand arrivent les accords d’Oslo, la guerre du Golfe a malheureusement créée une première fissure entre femmes israéliennes et palestiniennes. Les femmes israéliennes ont été déçues par la prise de position palestiniennes pro-irakienne et ont eu peur de la guerre. C’est le début d’un affaiblissement du mouvement des femmes israéliennes. C’est la montée en puissance du Hamas, côté palestinien dont une des dimensions est la reprise en main des femmes qui s’étaient énormément affirmées pendant l’Intifada. Ce n’est d’ailleurs pas le seul intégrisme, on voit aussi s’affirmer des fondamentalistes chrétiens.
La gauche radicale est perplexe par rapport à Oslo, mais ne voit pas de solution de rechange ; la fraction la plus à gauche y voit un piège. On assista donc à un effritement, un affaiblissement du camp de la paix. Pour les femmes, la majorité se rallie à Oslo, mais avec vigilance.
La " Coalition des Femmes pour une Paix Juste " se constitue, regroupant dix organisations dont "Les Femmes pour la Paix " (4) ( la partie israélienne du Lien de Jérusalem ") et " Femmes en noir ".

La 2ème Intifada

La deuxième Intifada est une nouvelle guerre contre les Palestiniens disent les " Femmes en noir ", une terrible guerre au quotidien.
Le tournant c’est Camp David, Barak a détruit " le désir de paix ", et " Sharon en allant à Al Aqsa a plongé les deux camps dans le désespoir ". Cette deuxième Intifada est celle du désespoir, de trop de déceptions accumulées. Découragement et pessimisme pour les " Femmes en noir ", devant la nécessité de tout recommencer avec les faibles moyens existants ; pas de bureau, pas d’argent…, la nécessité de reprendre encore une fois une action symbolique et surtout la déception de n’avoir jamais pu faire entendre leur voix dans les négociations.

Nouvelles résistances

D’autres sont plus optimistes, galvanisées par l’arrivée de nouvelles femmes qui se mobilisent. Elles continuent de faire face aux défis, sortent de plus en plus dans la rue, participent à la désobéissance civile, aux actions de solidarité avec les Palestiniens. L’armée commence d’ailleurs à se méfier des femmes dans ses rangs. Récemment, pour la première fois depuis 1982, une femme qui refusait d’effectuer son service dans les territoires occupés à été emprisonnée et a subit de mauvais traitements. Avia Attal, qui attend son jugement, explique son refus : " je ne crois pas à la brutalité et à l’usage de la force, je pense que c’est l’armée et les politiques qui nous ont conduits à la guerre. Je ne veux pas y participer, je n’effectuerai pas mon service dans les territoires occupes en 1967. Je ne crois pas à la politique d’expansion d’Israël…je veux apprendre aux enfants à aimer la terre d’Israël…je ne veux pas leur faire des leçons sur les bombes… "

Le rôle des médias

Le silence des médias est total sur toutes les actions pourtant nombreuses ; octobre 2000, 500 personnes avec l’organisation " Bloc pour la Paix "5 ; 8 novembre 2000 meeting de toutes les organisations féministes, une dizaine, sur le thème des femmes contre l’occupation ; 28 décembre 2000 à Jérusalem grande conférence réunissant femmes israéliennes et palestiniennes et une marche réunissant 3000 femmes vêtues en noir ; 1er février 2001, action commune hommes-femmes ; 4 février 2001, des femmes occupent la rue en s’allongeant sur le sol et 70 d’entres-elles se font arrêter ; diverses autres actions sont menées , comme celles de remplir les blockhaus d’ordures ou d’essayer de débloquer les points de contrôle…
Pour la première fois deux médias importants CNN et BBC ont couvert la manifestation du 8 juin 2001 appelée au niveau international par les " Femmes en noir ". Elle a été importante : 10.000 personnes sur les mots d’ordre " pas de nouvelle guerre ", " pas d’occupation " ". Il y a eu aussi des rassemblements dans de nombreux pays, dont à Paris, aux USA…

Espoirs et craintes

Le problème le plus difficile aujourd’hui, c’est la crise que traversent les relations avec les organisations de femmes palestiniennes. Le nombre de victimes de la répression israélienne, la situation insoutenable faîte aux habitants des territoires occupés, a plus que tendu les relations. +Depuis l’incursion de Sharon à El Aqsa, la méfiance s’est à nouveau terriblement accrue côté palestinien et les pressions ont beaucoup réduit la coopération. Il ne subsiste plus aujourd’hui que des relations de manière individuelle.
" On gagnera, l’occupation est condamnée " nous dit l’une des principales activistes de la mobilisation actuelle, " l’occupation tue les Palestiniens mais aussi les Israéliens ", la société finira par réagir.
Il n’empêche que la population palestinienne craint des actions de plus en plus dures de l’armée israélienne allant même jusqu’à une action d’envergure.

Giselle DONNARD

(Ce texte est paru en décembre 2001 dans Multitudes et en Mars 2002 dans le "Courant Alternatif" mensuel de O.C.L. )

Nota : Dans le texte nous avons mis la traduction française des noms des organisations. Leur noms d’origine est donné ci-après. 1) Femmes en noir - Women in black 2) Paix Maintenant - Shalom Achshov 3) Lien de Jérusalem - Jerusalem Link 4) Femmes pour la Paix - Bat Shalom 5) Bloc pour la Paix - Gush Shalom

COMITE DES FEMMES EN NOIR DE PARIS.
Les " Femmes en noir Paris " se sont constituées en comité
et se rassemblent sur un rythme bi-mensuel :
Rassemblement silencieux en vêtements noirs les samedis de 15h à 17h
Place de la Fontaine des Innocents
( à côté du Forum des Halles).
E-mail : femmesennoirparis(arobase)yahoo.fr

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