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Constitution Européenne

Réunion de travail au Parlement européen...

Créer un monde de paix 60 ans après la guerre

vendredi 27 mai 2005

Au Parlement européen, réunion de travail autour du rôle de l’Europe pour créer un monde de paix soixante ans après la Libération.

Le député communiste du Bas-Rhin Francis Wurtz est parvenu a réunir lundi soir à Strasbourg une salle pleine d’étudiants italiens, anglais, portugais mais aussi palestiniens, russes et même éthiopien ainsi que des membres de son parti pour réfléchir sur quelle Europe nous devons envisager pour notre avenir une soixantaine d’années après la victoire de la coalition contre l’hitlérisme sur le nazisme. Tour à tour se sont succédés au micro des sympathisants de la gauche internationale à l’image de l’italienne Lidia Menapace, porte parole de la Convention des femmes contre la guerre et l’une des fondatrices du mouvement Résistance, Jean Ridoux le responsable d’une Association Internationale d’Educateurs pour la Paix (AIEP), Ernst Grubbe et pour finir Jim Cohen professeur à l’université de Paris VIII pour rappeler chacun avec vivacité que notre monde ne se met pas forcément à l’abri de conflits armés en se dotant d’Institutions de plus en plus sophistiquées mais que celles-ci peuvent également y conduire selon les orientations qu’elles prennent. Sans oublier de condamner les renaissances de l’antisémitisme primaire, de la ségrégation et de poser les paramètres économiques visés par non pas seulement l’Europe mais toute l’économie mondiale ; c’est à l’unanimité qu’ils nous appellent tous à redoubler de vigilance et d’être prudent face à l’importance des enjeux qui mettent la paix en situation de fragilité si ce n’est de la voire menacée lorsqu’elle touche à des points brûlants les questions de domination du monde et de la sécurité planétaire.

A propos de ce soixantième anniversaire, Francis Wurtz tenait à rappeler que « nous avons aussi quelque chose à dire ». Estimant que les partisans du « oui » instrumentalisent cette date du 8 mai 1945 en faveur de l’Europe et « cela ne nous paraît pas juste » comme si la page de l’histoire du 8 mai devait rapidement être tournée et qu’il ne fallait qu’en garder à la livraison officielle qu’« une version révisée du monde d’aujourd’hui » dans lequel l’uniformisation de la pensée irait vers la seule considération de la Résistance pour finir par classer le nazisme entre toutes les tyrannies et la seconde guerre mondiale considérée comme « une guerre parmi toutes les autres ». Se posant face à l’Europe-puissance, il préférerait un acteur différent des grandes puissances, avec d’autres échelles de valeur qui ne poursuivent pas toujours l’orientation de la démilitarisation dont le texte de la Constitution européenne ne dit mot et qu’aucun engagement sérieux et signé des dirigeants de ce monde ne se décide à « proscrire solennellement tout moyen de recourir à la guerre pour régler les relations dans le monde » avant de souligner l’urgence qu’il y aurait à « mettre fin à l’apartheid social qui alimente les sources de l’insécurité mondiale ». Interrogeant pour finir son introduction la politique extérieure et la question de la sécurité commune - nécessairement compatible avec la politique de l’OTAN par l’article 41 et le « document Solana » relatif à toutes une série de menaces - Francis Wurtz ne voit pas comment « en oeuvrant de concert, l’Union européenne et les Etats-Unis peuvent constituer une formidable force pour le bien dans le monde » pour reprendre la touche quasi messianique que cherche à prendre politiquement la notion du bien.

Lidia Menapace, heureuse comme il y a soixante ans lorsque la guerre était finie prend la parole en signalant que « cette Europe ne nous plaît pas » et tient par sa présence à apporter dans la société civile des instruments aux forces politiques dans la continuité de ce qu’elle fit entre 1943 et 1945 autant que possible comme par exemple au sujet du droit à la citoyenneté de résidence qui n’est toujours pas adoptée en Italie… Néanmoins la base commune qui repose sur l’idée d’une Europe où les vainqueurs et les vaincus seraient ensembles et que quoi qu’ait fait l’Allemagne, elle ne doit plus payer, sans oublier que lorsque se produisent de grands faits ou évènements historiques « il y a une brisure dans l’histoire, une césure dans la continuité » Lidia Menapace se souvient des instruments de pression que les anciens fondateurs tiennent à garder bien que tous religieux qu’ils étaient ils restaient profondément ancrés à l’idée d’une laïcité pour clamer tous trois grands qu’ils étaient qu’ils ne voulaient pas faire l’Europe de Charlemagne. Pour sa part, devraient être supprimés les résidus de la guerre que sont le droit de veto, la notion de siège permanent qui juge les nations en fonction qu’elles aient gagnées ou perdues la guerre. « Je veux être un signal de paix » lance Lidia Menapace pour la Convention permanente des femmes en Europe et autour du bassin méditerranéen, noyau de la paix entre les continents où les vainqueurs et les vaincus se sont mis d’accord bien qu’ils ne vont pas tous vers les mêmes directions.

Là où Lidia Menapace laissait le problème social à son engagement pour la cause des femmes, Jean Ridoux reprend ce thème en le nourrissant de son expérience auprès des jeunes devant lesquels il est souvent amené à transmettre son vécu de la guerre, sujet toujours délicat à exposer dans les collèges et les lycées autant dans la manière d’aborder le problème que d’en parler et quand un enfant demande « et si c’était à recommencer » plutôt que de s’exclamer fièrement qu’il recommencerait, il ne cherche pas vraiment à savoir comment la refaire cette guerre mais cherche à enseigner la manière de faire pour qu’il n’y en ait plus. Se sentant proche de ces lycéens « entrés en résistance » par rapport à un Ministère qui ne les prenait plus en compte dans leurs revendications et leurs points de vue, il ne s’étonne pas de l’émergence de formes totalitaires de la démocratie. S’attaquant ensuite directement à la notion des « armées de la paix », dénomination qui n’est qu’un masque mais qui doit bien s’appeler comme cela pour être entendue des gens et parfaire sa crédibilité ce qui diffère du précédent adage ordonnant la préparation de la guerre pour obtenir la paix, elle-même entité devenue « une perspective crédible inscrite dans la conscience qui doit se réaliser » que nous ne pouvons que devoir au 8 mai 1945, à la chute du nazisme. Nous faisant part de sa réflexion et de son vécu il rappelle une constante au sein de toutes les armées qui différencie le soldat qui viole tout seul de ceux qui le font sous autorisation des deux jours permis avant d’insister sur des massacres organisés par des décisions de guerre comme le furent les bombardements américains en France un mois avant la Libération. Ce qui signifie pour lui que seuls les peuples sont victimes des guerres pour les avoir subis, que le terrorisme individuel mène directement au terrorisme étatique… exposé qu’on se doit de « garder à l’esprit pour affirmer et construire cette volonté de paix ». Autre intervenant également riche de son expérience vécue de cette époque charnière des prémisses à la construction européenne sans doute le plus émouvant, puisque confronté à la notion d’être humain qui ne servent à rien, aura certainement été Ernst Grubbe ne pouvant s’empêcher d’attirer notre attention sur le fait que sans l’URSS et son intervention il n’y aurait pas de survivants pour témoigner. Anglais et américains n’ont libéré que très peu de camps de concentration la majorité étant à l’actif des soviétiques ce qui signifie que les alliés n’ont pas vaincu seuls le nazisme. Une fois posée cette considération, Ernst Grubbe demande de « relativiser la victoire ainsi que les sacrifices revendiqués » dont celui de l’armée soviétique sans qui « les occidentaux seraient arrivés trop tard et n’auraient pu libérer ce qui devait accompagner la marche de la mort ». Le plus alarmant pour lui reste cet « antisémitisme qui renaît de ses cendres » et son principal souci est de préserver et protéger la jeunesse et les populations de l’extrême droite mais, « au lieu de protéger la population du poison de la droite, elle est protégée des contre manifestations organisées pour protester contre les dangers de ce radicalisme de droite ». Parce que né en 1932 à Munich et de mère juive, Ernst Grubbe a vécu ce que c’est de ne pas appartenir à une société et d’en avoir été marginalisé. Appartenant à cette époque aux « gens qui n’ont pas le droit de vivre » il a été confronté à l’existence « d’un enfant qui n’a pas d’amis » on ne peut que mieux comprendre l’ampleur de l’engagement à témoigner d’Ernst Grubbe et son appel de « mise en garde contre les tentatives de révision de l’histoire ».

Plus jeune et plus proche de notre génération plus jeune mais néanmoins « résistant d’aujourd’hui », également professeur à Paris VIII et membre responsable du mouvement associatif les Américains contre la guerre (Americans Against the War - AAW) présent d’Amsterdam à Berlin en passant par Florence et Munich, Prague, jusqu’à Beyrouth maintenant ; Jim Cohen est né un peu moins d’une dizaine d’années après la guerre et n’a donc pas connu l’antisémitisme et les atrocités de la guerre mondiale ce qui ne l’empêche pas de s’y intéresser contrairement aux sages penseurs qui estiment que cela est du passé, qu’il faut oublier et que ce n’est pas bon d’en parler aux jeunes générations, qu’il serait inutile de les traumatiser avec cela trop dans les détails. Dans « une époque qui nécessite beaucoup de vigilance, si nous voulons faire un bilan soixante ans après, ce n’est pas très réjouissant » à la vue d’un monde déchiré par le système planétaire sans oublier les inégalités sociales flagrantes. Voyant en cet empire de l’impérialisme économique un « marchand transnational » pour utiliser le terme d’un de ses confrères, Jim Cohen estime que « malgré les rhétoriques tiers-mondistes, les puissances sont des produits purs issus de la guerre froide qui débouchent aujourd’hui sur un monde travaillé par les inégalités sociales, par des foyers de guerre et des formes de violence qui procèdent en réaction contre la puissance américaine sous la forme de l’intégrisme, d’un Islam terroriste.

Mais d’autres intégrismes, nationalistes chauvins travaillent dans le même sens. » Une fois posée cette conception irréfutable, il lui est permis de s’attaquer à l’unilatéralisme d’un univers où travaillent le champ militaire et social montre qu’« il nous faut trouver un autre rapport dans le monde » et vise par là même directement le projet européen bien qu’il en souhaite la poursuite et non pas l’abandon mais il n’a jamais été question au sein de la gauche européenne de faire du « non » un acte et une demande d’arrêt du processus européen. Dans ce schéma unilatéral, il dénonce encore plus virulemment une administration bush qui est en train de « brader l’image des Etats-Unis, tentative désespérée de se raccrocher à son hégémonie à retrouver comme elle l’était il y a trente ou trente cinq ans ». Prudent quant à l’utilisation de résurgences fascistes il s’accorde quand même sur l’appellation de « proto-fascisme » embryonnaire sur lequel vont jusqu’à se différencier les fascismes sous forme autoritaire de ceux utilisés dans des situations démocratiques ! ?

Dans ce contexte il existe bien une opposition parlementaire dans l’institution européenne mais elle est « invertébrée » avant de rappeler que ce modèle social européen, digne d’être sauvegardé, poursuivi et amélioré existe réellement, concrètement dans sa présentation est bien meilleur que le modèle américain puisqu’il permet de gagner plus en travaillant moins et qu’il permet d’aller vers plus de loisirs mais aux vues de la situation au moyen orient et plus spécifiquement à travers le conflit israélo palestinien on trouve « un monde dans une situation troublante » où la supériorité accordée à Israël n’a fait jusqu’ici que suivre le sens commun. Néanmoins il existerait une gauche aux Etats-Unis, une gauche en gestation qui a voté à 48% des voix contre la politique de Bush, une gauche qui s’organise autour d’instituts stratégiques qui appuient sur Washington (cf. l’Institute for Policy Studies) qui voudrait être l’élève d’une Europe arrivée à maturité à gauche. Si en terminant cette séance de réflexion par « l’Amérique a besoin de s’inspirer d’une gauche européenne, de trouver une autre alternative car l’avenir du monde en dépend » c’est pour nous montrer avec courage qu’en s’éloignant des discours officiels, munis d’un peu de réflexion, se révèle toute une face cachée européenne dont nous avons tout à craindre de la destinée obscure qu’elle porte en elle malgré tous ses efforts alors si à gauche les américains espèrent en nous, ne les décevons pas et arrêtons les compatibilités de droite et de gauche qui ne feront jamais changer réellement de politique à une machine économique atteinte d’une capacité sans précédent !

L.CH

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