Comprendre le capitalisme pour le détruire
C’est à la fois une conclusion synthétique et un point de départ. Le capitalisme comme système, analysé sous l’angle épuré de la seule recherche de sa destruction, repose principalement sur trois piliers. Ces trois piliers deviennent alors les axes fondamentaux de lutte et de proposition pour le mouvement social.
Le premier pilier du système capitaliste devenu mondial repose sur la forme juridique de la personne morale des entreprises, qui appelle à une révolution législative chirurgicale mais décisive pour découpler pouvoir et propriété privée et accoupler responsabilité et gestion commune, pour donner un sens autre que le profit pour lui-même (c’est-à-dire le non-sens) à l’action collective humaine. Le deuxième pilier du capitalisme, qui lui confère la toute-puissance et nous asservit tous, états, nations comme individus, c’est la captation de la circulation du crédit (la monnaie des banques) par le système bancaire privé qui appelle à une révolution de la création et de la circulation monétaire locale, régionale et mondiale. Le 3ème pilier, c’est notre propre soumission et notre propre participation, résignée, désespérée ou jouisseuse à l’édification ou au maintien féodalités financières, entrepreneuriales, politiques et religieuses. S’affranchir de l’esprit de soumission et de l’organisation hiérarchique partout où c’est possible, c’est apprendre à construire sa vie et le monde sur d’autres ressorts que la relation de domination-soumission, la corruption, le pouvoir, la manipulation, la séduction, l’envie ou la peur. C’est une révolution spirituelle, culturelle, pédagogique et sociale, celle de se gouverner ensemble sans chefs.
Ces trois piliers ne sont pas les seuls, ils sont seulement les trois principaux à abattre. Toutes les autres réalités, structures et dynamiques, toutes les inventions et les innombrables conséquences importantes ou secondaires, monstrueuses ou anodines du capitalisme reposent et foisonnent à l’infini à partir de ces trois piliers fondamentaux enracinés dans l’histoire de la modernité et bien au delà en arrière.
Venir de tous les horizons pour commencer à casser ces trois piliers, c’est couper court aux bavardages, aux commentaires interminables, aux pesées grassement rémunérées avec deux poids et deux mesures du pour et du contre, c’est prendre l’initiative en sachant où aller, c’est se lever pour pour agir, se lever pour protéger, se lever pour chasser, pour tuer l’hydre à trois tête qui dévaste cités et campagnes, qui empoisonne la terre, arrête le bourdonnement de l’abeille, fait fondre les montagnes, brûle la forêt, noircit la mer, éteint les étoiles du ciel et corrompt jusqu’au for intérieur de l’homme, de la femme et de l’enfant. Allons ! Il est temps de dévaler depuis tous les horizons à la fois, pour circonscrire le mal et pour le vaincre, pour changer d’ère, enfin. Il y a trop à perdre à ne rien faire.
La méthode de réduction synthétique qui dégage ces trois angles d’attaques principaux n’est pas une doctrine, un obscurantisme ou un mysticisme. Ce n’est pas non plus du romantisme révolutionnaire. Il y a une intelligence créatrice qui s’aiguise dans ce combat mené sur tous les plans et sur toutes les interfaces de la complexité du système. Cette intelligence créatrice est notre principal atout. Sans elle, le combat pour un monde meilleur non seulement ne peut aboutir, mais ne peut même pas véritablement commencer.
Tout un monde qui attend son heure
La multitude des héros et des héroïnes qui scrutent pour les détruire partout où elles apparaissent ces trois têtes hideuses de l’hydre mondialisée, ainsi que toutes les autres qu’elles ont engendrées et engendreront encore, savent mieux que quiconque formuler très clairement ce que nous ne voudrons jamais plus voir dans les formes et les pratiques nouvelles que nous commençons déjà à forger. Elles existent déjà, parfois depuis longtemps, certaines de ces formes nouvelles, mais elles sont comme les pièces d’un puzzle encore éparpillé. Elles sont partout présentes ou intuitionnées, au coeur du jardin secret des rêveureuses d’équité et de joies partagées, au fond des ateliers, des tranchées, des campagnes ou des caves, dans les labos, les couloirs et les cafets des universités, et aussi dans les recoins oubliés de l’histoire réécrite sans vergogne par les vainqueurs, loin du regard des prédateurs, loin du feu des projecteurs ; toutes ces formes et voix nouvelles ou vénérables, encore ou toujours étouffées par le revers des couvertures médiatiques faites pour les faire taire, pour faire croire qu’à part l’inacceptable, il n’y a rien à voir, rien à faire, rien à dire.
Tels des mammifères minuscules nocturnes et furtifs fuyant les pas lourds des dinosaures démesurés, les formes et l’image du monde de demain encore à construire attendent leur heure. Elles s’aiguisent et attendent d’être brandies au point de l’aube pendant que d’autres préparent activement la venue du météore qui jettera à jamais le feu puis la nuit sur l’ère des monstruosités.
La Geste suspendue
Au coeur de la lutte contre l’ancien paradigme qui est aussi l’effort pour créer le nouveau, il y a un point d’oscillation, un moment critique de l’histoire qui est aussi un basculement doté d’une durée tragique.
Dans l’arène, quand dans la confusion, toutes les formes sont encore éparses et qu’aucune image d’ensemble positive ne se dégage pour l’avenir, quand la création symbolique est encore et toujours monopolisée et stérilisée, quand l’art et l’intelligence ne produisent que des profits, des commentaires et jamais de sens, alors, les héros suspendent indéfiniment leur geste, les foules tournent en rond, désorientées, ne savent où faire porter leurs efforts, hésitent à porter le coup fatal au monstre qui les asservit, celui qui les fait vivre et les laisse mourir. C’est le temps de la violence, du désespoir, de l’émeute et de la révolte, pas de l’exode libérateur ou de la révolution. Quelques profiteurs pendus aux lanternes ou tirés de leur lit à l’aube ne mettent pas fin à l’ère de la profitation, derrière eux mille autres attendent pour prendre leur place. Tant que l’image du monde n’est pas formulée en conscience, tant qu’elle n’est pas discernable en positif et non en creux, alors se prolonge l’heure ou bien le siècle du désarroi et du doute.
Mais dans le même temps, sur la table de l’architecte et du rêveur éveillé, quand toutes les formes anciennes et nouvelles sont éparses et qu’aucune image d’avenir ne se dessine vraiment encore, ce que l’être de conscience ne veut plus jamais voir, ce qu’il ne veut plus jamais vivre, ce qu’il ne veut plus jamais subir ni faire subir dessine clairement les contours des agencements à composer, donnent une direction sûre à ses traits qui jettent enfin des fondations qui rassurent et finissent immanquablement par enthousiasmer tous ceux qui attendent au milieu du gué de l’histoire, à entraîner même ceux qui sont restés sur l’autre rive, sous le poids de la soumission ou du dégoût d’eux-mêmes. Alors, dans la confrontation du monde et du coeur, de la conscience et de la pensée des catégories inédites apparaissent qui tournent la page du nihilisme dans lequel à sombré l’époque. Le désir de construction commune est recontacté. Le consensus, par delà les clivages historiques, culturels, raciaux ou de classe redevient possible, parce que les fondements de l’espoir commun ne sont plus idéologiques, ni métaphysiques, ni identitaires, ni situables politiquement dans les anciennes catégories, mais existentiels et qu’ils relèvent de l’humanité et d’un destin partagés.
Tisser l’étoffe du monde nouveau
La méthode. Au croisement de ce que j’affirme et de ce que je refuse
Devenir et rester vigiles sur ce que nous ne voulons plus jamais voir, vivre, subir ou faire subir, voilà donc le geste de dénégation encore et toujours répété qui tissera la trame du monde de demain à partir des fils tendus depuis le passé vers l’avenir par l’intuition et l’imagination créative propre à l’esprit humain et au foisonnement de la vie. Savoir ce que nous ne voulons plus jamais voir, vivre, subir ou faire subir à d’autres est donc essentiel, mais qu’est-ce que c’est, exactement et dans le détail ? En faire la liste et la partager, c’est construire sans même le savoir la grande coalition des forces du mouvement social de demain. Peu à peu, comme tout se tient, tous seront amenés à brandir les cahiers de doléances issus de l’indignation de chacun.
Savoir quels fils tendre vers l’avenir, quelle direction donner à la construction commune est l’autre travail créatif à parachever, c’est celui qui accouchera des nouvelles formes de l’organisation collective, sociale, économique et politique. Il a fallu la renaissance européenne, redécouvrant la démocratie grecque pour mettre fin aux monarchies de droit divin en Europe, sur lesquelles se fondaient l’inégalité et les injustices vainement combattues au prix du sang par les peuples durant les âges sombres. Maintenant, c’est cette modernité démocratique européenne, c’est-à-dire cette antiquité née du génie grec, qui devient la forme à dépasser tant elle est incapable de se refuser à l’étreinte de l’ogre pour sauver le monde, d’extraire l’humanité de sa culture du rapport de force, tant elle est incapable d’assurer la justice et l’équité et d’assumer les défis sociaux, écologiques, climatiques, monétaires de l’époque. Et qu’on ne nous menace pas de tyrannie !
L’Europe et les Etats-Unis d’Amérique avaient ressuscité le modèle grec comme forme de la modernité politique. Il s’est agi d’une révolution politique, mais pas une révolution économique, culturelle et sociale. La bourgeoisie a continué à armer ses navires pour piller le monde et ses ressources, elle a continué à faire ses guerres pour génocider, ses lois pour asservir les peuples, pour les condamner aux travaux forcés. En Europe, les principes universels édictés sont restés à l’avantage quasi exclusifs de quelques nationaux au détriment de tous les autres peuples et races vaincus et colonisés par la collusion du capitalisme, de la finance et du pouvoir politique. Maintenant que la ploutocratie s’accomode de la forme démocratique pour asservir le peuple, maintenant que ce système a tout envahi, maintenant qu’il devient universel sans être universaliste, où dans le passé de l’humanité ou bien dans quelle imagination du futur, l’humanité globalisée doit-elle chercher ou inventer la forme de son organisation macro-sociale, la forme de la régulation de son activité économique, les formes de son vivre ensemble à toutes les échelles ? Y répondre, de toutes les manières possibles, c’est tendre les nouveaux fils pour raccrocher un avenir à notre présent et tisser les formes nouvelles de notre être, vivre et travailler ensemble.
Vigilius Argentoratensis
v. 0.5
1ère mise en ligne 18 février 2011
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Cher Virgilius, je suis allé au bout des différents articles du site. Pour ma part le nécessaire sera fait afin que les personnes de mon répertoire des adresses mails seront prévenues de l’existence du site « Les trois piliers,de la profitation… » sera porté d’internautes à d’autres internautes. Il faudra chercher et trouver le moyen afin que ces analyses et ces synthèses soit connues comme l’est devenu, Indignez vous ou quelque chose d’approchant.
Gilbert Frey
Cher Vigilius,
J’ai laissé un message au dernier article, il y a de la suite dans les idées qui mériteraient à être connue d’avantage. Tous les constats sont d’une vérité qui expriment des sentiments éprouvés et exprimés tout bas par la majorité silencieuse, il ne manque que l’étincelle pour que tous se manifeste tout haut.
Gilbert Frey
The creation of money by private bankers is one of the three pillars of hyper-capitalism and the hidden engine of the religion of economic growth, witch destroys the planet. The monetary mass must always grow to pay the loans back with the interests.
It’s an exponential « cavalery », and it’s over now, the end of a 3 centuries cycle… . One of the goals of a true democracy must be to set up a democratic management of monetary creation.
One of the solutions discussed here in Europe, is the « mutualization » of banks, to be ruled by multipolar boards (including customers, workers, elected representatives, etc.), not only by the owners of the capital… as we do it, seeking consensus and collective intelligence in the popular assemblies of indignados and occupy XYZ mobilizations.
Imagine this idea extended to Monsanto, Wallmart and the other corporate monsters…