Pourquoi la « Démocratie Réelle » ?

Le mouvement du 15 mai 2011 parti d’Espagne, qui a vu des dizaines de milliers de personnes occuper et camper sur les places à Madrid, à Barcelone et ailleurs, est le premier mouvement populaire du siècle en Occident à porter de façon visible jusqu’au coeur du système le germe de la revendication d’une réforme ou d’un dépassement de la forme moderne de la démocratie, cette forme directement héritée de l’antiquité grecque, et qui accomplit l’exploit d’exclure les populations de la prise des décisions.

La demande de « Democracia Real », tout le monde le sent confusément, ne peut pas être satisfaite dans le cadre de la démocratie majoritaire bi- ou multi-partisane, qui a essaimé un peu partout avec l’aide du capitalisme libéral (au sens politique), quelles qu’en soient les variantes ici plutôt parlementaire ou présidentielle ou bien assorties de différents modes de scrutin intégrant plus ou moins de proportionnelle, de suffrage universel, de grands électeurs, de bi-caméralisme, de contrôle constitutionnel, de référendums d’initiative populaire, etc.

Aux yeux du peuple, de la population, des gens « d’en-bas », aucune de ces variantes ne résout le problème principal, à savoir la réalité indéniable de la prééminence et de la toute puissance de l’influence des élites financières et industrielles sur les processus d’élaboration des lois, sur les décisions prises par les élites politiques élues et même sur la sélection des candidats au sein des appareils politiques. Ainsi que le démontre Lawrence Lessigi, professeur de droit à Harvard et Stanford, les élites politiques élues sont indéfiniment redevables aux élites financières et industrielles des moyens de leur élection ou de leur réélection, et ont peu de marge de manoeuvre pour prendre en compte et satisfaire les besoins et aspirations réelles des populations qui les élisent.

Lorsque la logique de la toute puissance des intérêts de la finance, de l’industrie, du capital aboutit à la crise globale économique-monétaire-budgétaire-écologique-climatique-sociale, c’est-à-dire au point de rupture d’un système devenu global organisé autour de la seule « profitation », alors les populations qui souffrent prennent conscience qu’elles ne sont plus représentées par personne dans les institutions et que celles-ci ont d’ailleurs été privées de leur souveraineté. Le « défaut de démocratie », la perçeption du fait que la démocratie « n’est pas réelle » apparaît au grand jour et la gravité de la crise les amène à chercher à évoluer vers une « démocratie réelle ». Pour elles, sur toutes  les « places de mai » présentes et à venir, ou bien dans la solitude et la réflexion, se pose la question. Comment ?

Vigilius Argentoratensis

4 juin 2011

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