Accueil > Rubriques > Constitution Européenne > Synthèse autour du "non" de tous les mouvements de solidarité

Constitution européenne

Synthèse autour du "non" de tous les mouvements de solidarité

vendredi 27 mai 2005

Mercredi soir à Strasbourg la salle de la Bourse a rassemblé l’ensemble du mouvement de solidarité pour un « non » européen français. A visage découvert et prise à sa juste valeur, l’Europe ne séduit plus comme à son premier âge. Autopsie d’une fantaisie lucrative…

Elle n’aura sans doute pas été comprise de tous l’Europe que présente le projet de ratification du traité pour une Constitution ni envisagée de la même manière selon qu’on la rentabilise par des moyens ultra libéraux ou qu’elle devrait être prise en tant qu’instrument établissant des règles égalitaires entre tous les individus par rapport aux lois d’accession à cette Union européenne et essentiellement par rapport aux formes de pouvoir que ce traité cache en ses feuillets. Ils furent nombreux et de tous les horizons des différentes mouvances qui constituent la gauche - il faudra bien qu’un jour le Parti socialiste du « oui » se rende compte qu’il n’a pas le monopole du discours de gauche - actuelle, européenne aussi, restant indéfectiblement attachée à la question du politique dans le champ social et le rapport revendicatif que le citoyen peut avoir (ou ne pas avoir) par rapport à ce politique.

Quelle soit remise en question comme elle l’a toujours été à chaque consultation électorale depuis Maastricht et les premiers accords de Schengen cela se comprend mais choisir entre le « oui » et le « oui » n’arrangera en rien les situations de difficultés qui sont à l’ordre du jour de notre contemporanéité. Qu’ils la fassent remonter jusqu’à la Révolution de 1789 ce n’est déjà pas très glorieux de s’inspirer d’une bande de coupeurs de têtes même si ceux-ci donnèrent la souveraineté au peuple (cela est important lorsqu’on reparlera de la position contre révolutionnaire) et qu’on en déplore les rouages sur les vingt dernières années écoulées après tout cela n’est pas très important puisque le fond du problème, ce que personne n’ose vraiment signaler et aborder, c’est que cela fait deux siècles et non pas vingt ans seulement que Karl Marx se retourne dans sa tombe et que rien ne daigne s’améliorer depuis. Oh ! Bien sûr on me récriminera que l’hygiène et le temps de travail s’est amélioré pour les ouvriers, les congés payés etc. mais au fond des choses, au plus bas de la hiérarchie sociale dans l’échelle des salaires c’est toujours la classe ouvrière qui tient la même place depuis que nous sommes entrés dans la grande ère industrielle ; depuis deux siècles, Karl Marx. N’empêche qu’à l’inverse de ce passé qui modifiât la manufacture en grande entreprise industrielle s’ajoute encore aujourd’hui le flot de la précarité que renforce le chômage galopant et les personnes sans ressources. Que dire encore des conditions de logements et de l’insalubrité existentielle auxquels sont voués les moyens accordés à des citoyens aux faibles revenus ?
Elle en aura pris pour son grade cette Europe que ce « non » voue à une autre destinée. Tour à tour les invités politiques se sont défoulés au point de l’enterrer car elle est déjà suffisamment mal en point pour en cesser la continuité jusqu’à l’aveuglement. De tous les intervenants l’exposé le plus convaincant revient à Mme Peter représentante de la Coordination féministe pour le « non » née d’une réflexion menée sur la question des femmes, de la guerre et de la mondialisation après l’Appel des 200 en février 2005. Rassemblant également le féminisme d’ATTAC, de Rupture, des Pénélopes et le groupe de femmes d’Egalité, Mme Peter est lucide, claire et précise sur les abus de cette Constitution et au bout de quatre mois de campagne pour le « non » elle continue d’expliquer ce que cache le texte constitutionnel dans les rapports qu’il établit entre les femmes et l’église, les médias, le gouvernement et le patronat rappelant que « les principes figurent dans le traité au niveau de l’égalité et de l’interdiction des discriminations mais en prenant l’exemple de l’égalité des traitements des salaires fixés par la loi de 1976 on voit bien que l’égalité des salaires n’existe nulle part ». Mais plus profondément encore Mme Peter considère que la question de la directive européenne n’a pas pour objectif son application mais qu’au contraire elle « détruit l’acquisition des droits sociaux (les femmes travaillent également la nuit maintenant) ». Les arguments cyniques utilisés ne sont pas réellement une chance pour les femmes et encore moins une garantie égalitaire. Trop de secteurs d’activité mettant les femmes en difficulté (textile, électronique, industrie du jouet et de la chaussure) font dire à Mme Peter que le traité européen prépare « une égalité dans la régression sociale » d’autant plus que sont également affectés par les menaces qui pèsent sur le service public « au nom de la concurrence et des privatisations budgétaires », l’utilisation quotidienne que les femmes font de ces services publiques qui suppriment des lits d’hôpitaux, des maternités, des crèches par le principe de « marchandisation des services de soins ». Alors que des sujets comme le divorce, la contraception ou l’avortement sont absents des textes du traité et que ces droits n’ont jamais figuré dans aucune constitution, il devient urgent pour ce collectif des femmes de « dénoncer l’absence totale du droit féminin » dans le projet de ratification du traité en Constitution de sorte que des solidarités diverses se sont nouées avec les femmes chypriotes ou anglaises qui n’ont pas encore le droit de gérer leur maternité. Craignant en retour l’émulation du lobby anti-avortement au travers de la place qu’accorderait la Constitution à l’église elle oppose au « droit traditionaliste véhiculé par les églises, une aspiration progressiste ». En parlant d’un « non » féministe internationaliste qui dépasse les frontières Mme Peter s’est faite la partisane d’une Europe d’un autre côté qui tentera ce dimanche 29 juin de contrer « un rouleau compresseur destructeur des droits » fignolé par un texte à la plus lourde des pesanteurs administratives.

Ayant pris la parole en premier au nom d’une Association pour la défense des droits des travailleurs, Ali Mizrahin sensibilise par le projet d’intégration des étrangers dans la société française par une incitation participative au débat politique et culturel. Ali nous interpelle et affirme que nous sommes « tous concernés, même les étrangers puisque cela déterminera un type d’avenir dont nous ne voulons pas ». Redoutant par-dessus tout que nous ayons affaire au lendemain du 29 mai à une « harmonisation en tirant tout vers le bas qui active le racisme, divise les travailleurs et propage le développement du communautarisme ethnique et religieux », hormis le fait que la question de l’entrée de la Turquie envenime et fausse le débat, question qui pour l’instant est suffisamment éloignée de l’actualité de cette Constitution européenne ; Ali Mizrahin en appelle à « défendre les acquis sociaux et tisser une solidarité avec les peuples ». Progressivement se dessine la politique effective de ce « non » de gauche qui a autant de cœur que ses opposants si ce n’est plus car ce « non » de gauche aime autant l’Europe que ceux qui ne la voient que comme elle est. Marc Dolez né à Douai et député socialiste du nord donc prend le « oui » dans ses fausses affirmations où « l’Europe sera réduite à l’impuissance politique et n’aura plus les moyens de traiter les grandes questions de notre temps que sont le chômage, l’harmonisation sociale et fiscale ». Certes ce ne sont ni la xénophobie ni le populisme qui éloigneront la « guerre sociale » menée contre tous les déséquilibres. Quant aux parties concernant la défense militaire qui interdit le droit de veto et oblige à augmenter les capacités militaires de chaque pays qu’ils remettront sans concession à un gradé américain d’une OTAN dont cette Europe a bien du mal à se détacher, le député socialiste pour le « non » fait de la lutte contre l’hégémonisme américain un des point central de son argumentaire et encourage à « faire remparts à la politique libérale » étant donné que pour lui « quand on est de gauche on ne peut que dire non et qu’il n’est pas nécessaire d’être de gauche pour dire non ». En établissant de nouvelles perspectives d’après 29 mai il lui semble évident que le « non » sera retentissant d’échos et que des renégociations avec les salariés seront inévitables. Par le « non social et anti-libéral » il insiste sur l’utilité d’une telle position « qui pèsera lourd pour l’Europe et la France » pour que la gauche ne soit plus impuissante face aux lois du marché, à la logique des licenciements dans un contexte européen où « le oui divise la gauche, le non la rassemble ».

Parlant d’une véritable « responsabilité historique » il est rapidement suivit par la sénatrice écologiste du groupe des Verts Alima Boumedienne - Thiery qui développera la partie du traité qui concerne l’énergie atomique, « type d’énergie qui ne respecte ni la nature, ni l’humain, ni la paix ». Cette question en cas de victoire du « oui » ne pourra plus jamais être contestée. La soumission à l’OTAN pour elle tourne au ridicule l’idée d’une force militaire indépendante et « le soutient des dictatures dans le Sud implique une augmentation des demandeurs d’asile » prenant position et donnant un contre poids aux préjugés migratoires pour que le « non » dise « stop à la folie libérale ! ». Effectivement il y a 48% des écologistes qui ne se sont pas identifiés aux discours Vert qui a choisi le « oui » - c’est certainement là une des formation politique la plus partagée, de quoi faire pencher la balance à eux tous seuls ! -, par le « non » cette partie de l’électorat semble décidée à s’inscrire « contre les principes du productivisme, de l’intérêt dans une charte qui respecte et reconnaît des droits mais n’en garantie en rien l’accession ». Du respect de la nature aux respects des droits fondamentaux qui n’excluraient pas du droit européen un individu sous prétexte qu’il n’est tout simplement pas européen, Alima Boumedienne - Thiery s’en est ensuite prise aux autres freins démocratiques comme la suppression des discussions sur l’ensemble du budget à l’Assemblée alors que 17 millions d’€ ont été débloqués par le gouvernement pour faire campagne dans le « oui » relevant là une véritable « débauche de moyens mise en place par le gouvernement pour le oui ».

Précédemment le représentant du Parti Communiste Français Jean François Gau emboîtait le pas en s’attaquant directement aux politiques de « la casse sociale » et aux « démagogies condescendantes » qui y conduisent dont la plus significative et la plus récente vient du Premier ministre Raffarin pour qui « un bon électeur du non est un électeur qui s’abstient » oubliant par là même toute idée du politique pour faire du pouvoir droitier l’apogée de l’unilatéralisme idéologique appuyé par un non sens démocratique effectif. Rejetant cet « appel à l’incivisme » de notre chef du gouvernement, Jean François Gau rappelle qu’en Espagne le « oui » passe avec 60% d’abstentionnistes, « la plus forte abstention depuis Franco » précisera plus tard le représentant de la Ligue Communiste Révolutionnaire Christian Bocquet, membre du conseil municipal de Choisy. Et dans ces 40% de votants espagnols le plus terrible est que 80% déclarent ne rien connaître au texte ! Repoussant « le déluge de propagande pour le oui » par l’engagement des forces nouvelles, Jean François Gau œuvre pour que « la vérité continue de se frayer son chemin » dans un projet de ratification qui « inscrirait les politiques libérales, les droits du patronat pour une durée illimitée » avec pour effet « d’exclure du possible une quelconque alternative aux politiques de droite » alors que « le non européen et progressiste européen français témoigne de l’union de peuples solidaires » ce qui dors et déjà pose la question de la prise en compte par la gauche du résultat en cas de victoire du « non » et intrigue quant aux possibilités qu’elle aura cette gauche redistribuée pour s’unir, condition préalable et nécessaire à son succès ?

Il restait ensuite à Marc Mangenot et Christian Bocquet de clore par des arguments encore plus percutants rappelant pour le premier dans une sérénité absolue une autre bourde du remarqué Raffarin parlant de « France frigide » du « non » alors que celui-ci chercherait à traduire « une majorité sociale » que l’après 29 mai de Raffarin ne parviendra pas à libérer de ses contraintes ou peut-être sur un modèle chinois tiré d’une vieille époque. Exposant à partir d’une certaine idée de l’intérêt de la gauche allant dans le sens de l’intérêt général une « Europe de la démocratie et de la légalité » le voilà remettant Lionel Jospin en place lorsqu’il met dans un shaker un « non » dont il ne sortirait pas grand-chose alors que ce choix « est opposé à 90% des élites et à 90% de l’Assemblée nationale »… Craignant une Europe où « la déréglementation généralisée mettrait dans l’inégalité devant la loi du marché pour marquer ses insuffisances et le recul de civilisation » Jean François Gau déplore que la souveraineté du peuple ne soit inscrite nulle part et estime qu’il est du bon droit d’en saisir « l’occasion pour infliger une défaite politique ». Désireux de rendre la question européenne au peuple il lance un appel salutaire pour que soit amorcée une « logique de rupture avec un capitalisme de plus en plus prédateur pour qu’une autre gauche devienne possible qui fasse passer les droits fondamentaux du plus grand nombre avant le droit de propriété d’une faible proportion ». Marc Mangenot n’est plus à présenter depuis qu’il active la Fondation Copernic à « remettre à l’endroit ce que le libéralisme fait fonctionner à l’envers ». Ce sociologue également économiste affirme que « la primauté de la concurrence rend la démocratie inutile ». Ce climat crée un contexte dans lequel « le marché de la finance doit être totalement libre (§ 1.4 et art. 356) et interdit qu’on ne puisse empêcher les mouvements de capitaux » et en interdit la taxation. Tout comme Maurice Allais pourtant économiste libéral français qui n’accepte pas ce traité, tous deux voient « des Etats qui continuent à se faire concurrence sur le plan social et fiscal » en appliquant, une fois le texte ratifié en constitution, une « restriction des échanges internationaux ainsi qu’une réduction des barrières économiques et sanitaires pour les puissances industrielles » pour finalement aboutir à une livraison constitutive européanisée d’un soutient inconditionnel au patronat européen enfin satisfait de toutes ses exigences, le seul bénéficiaire ravi si ce projet passe. Marc Mangenot dénote simultanément une soumission à l’OTAN qui masque sournoisement « une zone de libre échange ouverte aux puissances américaines » avant de conclure en attirant notre attention sur les discours qui ne parlent jamais du texte, mirage européen qui appelle à voter « oui » pour voir après alors que tout de suite il faudrait « dire non pour donner la parole aux peuples européens ».

Essayant de présenter une autre Europe dans l’unité de la gauche et la continuité de ses combats, tous les intervenants sont convenus pour permettre à l’Europe de prendre un nouveau départ et rejettent toutes théories du chaos mais les influences et les conséquences risquent d’être graves sur la destinée humaine en cas de victoire du « oui ». Orientés ensembles pour élaborer une charte « plus acceptable pour l’ensemble des peuples européens » qui comptent tous sur ce « non » français pour « mettre un coup d’arrêt à la fuite en avant libérale et aller vers le progrès social » l’Appel des 200 s’est progressivement transformé en une large majorité décidée à envisager un traité européen sous d’autres critères. Verdict de la surprise pour dimanche soir.
L.CH

Un message, un commentaire ?

Forum sur abonnement

Pour participer à ce forum, vous devez vous enregistrer au préalable. Merci d’indiquer ci-dessous l’identifiant personnel qui vous a été fourni. Si vous n’êtes pas enregistré, vous devez vous inscrire.

Connexions’inscriremot de passe oublié ?