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Traité Constitutionnel

Pas de rédemption médiatique après le NON !

(avec forum après l’article)

lundi 6 juin 2005

Pas de rédemption après le NON. Il n’y a de pire sourd que celui qui ne veut entendre. Une explication se répand dans la Commission et les élites européennes selon laquelle l’opinion publique française aurait été manipulée par les partisans du NON. (voir ici). Opinion apparemment professée en toute bonne fois, alors même que la domination médiatique et les manipulations pour le OUI ont été quasiment constantes durant toute la campagne en France. Cela démontre l’incapacité de ces dirigeants (politiques, économiques et des acteurs médiatiques impliqués) à recevoir un quelconque "message des urnes" à partir de ce NON en terme de remise en question de leurs pratiques et de leurs modes de représentation.

Ils persistent et c’est naturel car ils sont souvent de bonne foi : "Oui ! c’est dommage que le traité ne soit pas ratifiable. Oui ! les Français ont eu tort de le refuser. Non ! nous ne changerons rien à notre façon de voir les choses, de gouverner et de rendre compte du réel, car c’est tout ce que nous savons faire... et si les choses tournent mal, ce sera de la faute du peuple ignorant et de ceux qui l’ont manipulé, et pas de la nôtre."

En conclusion, tenants du OUI, et tenants du NON, politiciens, technocrates, lobbiistes, altermondialistes et cambronnistes, tout le monde en est maintenant pour ses frais. Tout le monde se retrouve comme avant au coeur du même monde chauffé à blanc où tous les manomètres des prévisionnistes sont au rouge ; où le mapommisme* fleurit à droite comme à gauche, où la croissance mène droit à la crise climatique globale et la décroissance à la misère ; où la paupérisation des populations renforce la xénophobie et la recherche de boucs émissaires ; dans un pays et un continent, où comme aux Amériques, les médias ont depuis longtemps vendu la vérité et la réalité aux annonceurs et aux puissants au point de s’auto-intoxiquer et d’intoxiquer ces mêmes "élites" dans les mensonges qu’ils construisent eux-mêmes pour tenter de masquer la réalité et les effets de leur domination et de leur impuissance à relever les défis du siècle.

Tout cela ne changera donc pas pour un oui ou pour un non. Et après le 29 mai 2005, comme c’était le cas avant, tout reste à faire, tout reste à refaire. Ses premiers effets constatés montrent que le contre-feu du NON n’a en rien contribué à éteindre l’incendie qui ravage la vaste plaine mondialisée ni à changer les mentalités de ceux qui le fuient à toutes jambes ou qui le contemplent du haut de leurs chateaux de verre et d’acier.

PB

* Mapommisme (n.m.) Attitude commune qui consiste à "n’en avoir que pour sa pomme". Philosophie pratique élevée au rang de vertu civilisationnelle dans le néo-libéralisme triomphant ainsi que dans les protestations catégorielles, nationalistes, xénophobes et antisémites qu’il suscite en réaction à son déploiement universel.


Forum ci-dessous !

Messages

  • bonjour,

    Pas de rédemption de NoTV aussi après la victoire du NON ? NoTV n’a pas compris visiblement l’impact social, politique, psychologique de la victoire du NON. Cette victoire, conjonction de la gauche de gauche, d’une partie des altermondialistes avec le travail de fond d’Attac notamment, et de la révolte populaire, montre au contraire que la résistance est possible.

    Mettre dans le même sac tenants du OUI et du NON me choque profondément, et décidément, je persiste à penser qu’une certaine gauche proche de l’anarchisme ne comprendra jamais rien l’importance des processus électoraux.

    Une preuve de l’impact du NON ? En voila une, toute simple qui a son importance pour l’avenir : les visages radieux des militants épuisés par des mois de campagne à courir les quartiers, rencontrer les habitants, commenter un texte qui était une dictature annoncée. Ces gens qi se sont donnés à fond se sentent maintenant pousser des ailes pour continuer le combat. Ceci n’est pas un argument de moindre importance, car l’espoir des militants nourrit le mouvement social. N’avez vous donc rien compris à NoTV ? Le NON du 29 mai , certes n’est pas la fin du libéralisme, mais il ouvre de grandes possibilités de luttes, de réorientation de cette Europe dont seuls les marchands veulent.

    Cet article trés politicien ignore les réalirtés de ce qui s’est joué pendant des mois sur le terrain. Un peu de réalité de terrain peut être ne ferait pas de mal pour réajuster son sens de l’analyse.

    Cordialement,
    Julos

    • Mettre en relief que l’impact social, politique, psychologique du "Non" fait l’objet d’un déni de la part de l’establishment, ce n’est pas nier cet impact.

      Quant à l’événement majeur que constitue la résistance collective de toute une population à l’arsenal du nivellement médiatico-institutionnel, ce n’est pas l’objet d’une chronique que de prétendre en mesurer l’importance historique en terme de symptôme d’immunisation collective à la propagande, ni d’en anticiper les conséquences positives ou négatives en terme d’émancipation, de rupture ou de risque de raidissement du contrôle social.

      Le NON empêche-t-il ou hâte-t-il la "dictature annoncée" ? Bien malin qui saurait le prévoir à ce stade. Le nonniste extasié par sa réelle influence retrouvée - à l’occasion d’un scrutin tout de même gagné aux côtés de frontistes et de nationalistes - n’est-il pas aussi niais que le ouiouiste qui était prêt à accepter la becquée de puissants aux semelles maculées du sang d’innocents piétinés sans même qu’ils s’en soient aperçus ? Poser la question, ce n’est pas y répondre.

      Ce NON historique est-il le début de la fin de la "démocratie du spectacle", c’est-à-dire celle de l’oligarchie marchande et politique qui pratique la censure en amont par le bavardage et le spectacle médiatique, censure subtile, puissante et invisible puisqu’elle consiste à priver l’individu des conditions-même de l’exercice de la pensée et les collectifs de la rencontre réelle des sujets pensants et agissants retenus artificiellement dans la sphère du virtualisme médiatique ? Censure qui se déploie aussi par le gavage multimédia des imaginaires, par l’envahissement télévisuel, numérique et la surstimulation fictionnelle et publicitaire. Si ce NON est un échec majeur de cette "censure en amont" exercée avant la pensée pour éviter d’avoir à en censurer les expressions - , si ce NON et un signe de résurrection de "gens réels", il est bien trop tôt pour dire quelles énergies constructives ou catastrophiques pourront émerger à travers eux du chaos consumériste et technocratique environnant.

      Il est trop tôt aussi pour dire si le NON amorce le regain d’un dynamisme individuel et collectif de générosité et de coopération en même temps qu’il inaugure pour la France et l’Europe l’ère impitoyable où chacun commence à tirer à soi - comme ont commencé à le faire les américains en Irak - la couverture de ressources mondiales qui se réduisent désormais comme peau de chagrin.

      Ecrire dès maintenant que tout reste à faire après "la victoire du NON" c’est de la part d’acteurs et d’actrices de terrain que nous avons aussi été, surtout inviter les copains à décuiter, et vite. Car s’il n’y a plus personne de réel sur le terrain, si tout le monde rentre dans sa chapelle et cherche à récolter pour lui seul les lauriers de la victoire, le sens du NON sera donné par ses adversaires. Or le seul sens que peuvent donner les adversaires du NON pour l’assumer avec le beau rôle, c’est de le réduire à ses composantes les plus ringardes, xénophobes et nombriliste... et cela avec toute la puissance du rouleau compresseur médiatico-virtualiste qui s’était déployé dans la campagne pour le OUI.

      Quelle énergie sommes-nous prêts à déployer pour prouver - dans la réalité des relations humaines, économiques et politiques - que notre refus de la construction proposée par les constitutionnels s’origine dans des processus collectifs plus généreux, plus imaginatifs, plus intelligents et plus souhaitables que celui qui a été refusé ?
      Quelle énergie sommes-nous prêts à déployer pour nous entendre et coopérer plutôt que de nous concurrencer et de nous tirer dans les pattes ainsi que tout nous y conditionne. Là est peut-être l’aboutissement existentiel de l’opposition à la "concurrence libre et non faussée" du libéralisme décryptée à une échelle populaire inégalée pour ce qu’elle est : une "rivalité atavique et égocentrique" d’un autre âge, qui n’a pas - et n’aura jamais - sa place dans le texte fondateur d’un projet collectif européen d’avenir.

      A bon entendeur.

      PB

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  • Bravo pour le terme "mapommisme", il est exhultant et jubilatoire pour suffisamment exprimer le pire fléau que connaît à l’heure actuelle notre contemporanéité...
    L.CH

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