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Constitution européenne

L’Europe politique à la peine...

mercredi 8 juin 2005

Le « non » français parviendra-t-il à faire la synthèse d’une Europe définissant les conditions nécessaires à un avenir meilleur promu à l’honneur de ses espoirs égalitaires et politiques ?

Au-delà des clivages que dors et déjà la victoire du « non » aura permis de déceler et de mettre mieux en évidence, nous nous apercevons que majoritairement les militants politiques seront parvenus par de longues interventions à faire basculer un « oui » redevenu presque euphorique après avoir été présenté sous toutes les défaveurs des résultats des sondages pour finir son parcours au creux du formidable élan d’enthousiasme provoqué par un retour aux bases principales des formes de militantismes qui, ils l’espéraient tous ces partisans du « oui » lancés dans une véritable « guerre des idées », ne parviendrait jamais à briser une logique européenne enclenchée, le croyait-on encore plus fortement, depuis 1957 et le traité de Rome.

Dès à présent il faut immédiatement en repenser la donnée économique qui sert de tremplin à un quasi plein pouvoir aux « services » qui font et qui ont fait « tourner » l’Europe jusqu’à présent. Entendons par là que si l’instance budgétaire de la Banque Centrale Européenne ne sert qu’à reproduire le principe capitaliste tel qu’il est agencé afin de permettre par les intermédiaires bancaires réservés à quelques uns, une mise en service privée de l’utilisation et des prises de capitaux que nous devons à une répartition inégale dans la distribution des bénéfices toujours (autant et si ce n’est même plus) monopolisés par une classe patronale au sommet de son art en travers et à travers une Europe momentanément désavouée et encore plus sérieusement remise en question ; il est certain et presque évident que son avenir ne pourra qu’en être d’avantage compromis.

La remise à demeure du projet de transformation d’un traité en constitution affirme la dénonciation des politiques des camps où reflète l’intransigeance des appartenances incapables de remettre en cause les inégales répartitions auxquelles elle se préparait ne se doutant même pas à un seul instant qu’un « non » vainqueur relancerait d’une manière aussi aigue les débats contre ses fondements.
L’Italie affolée de la nouvelle irait même jusqu’à tout reconvertir en dollars en repassant par la lire (rebaptisée « Lire » pour l’occasion) tandis que la Grande Bretagne se dresse un mur de l’Atlantique à elle toute seule n’osant du coup même pas s’y frotter à la sentence si imprévue que pose rien qu’à l’émettre l’idée d’un référendum ; c’est du jamais vu ou une excroissance du délire européen mais toujours est-il que nous revenons aux pires heures de Berlusconi lorsqu’on apprend que le représentant italien de l’économie répond d’un « je m’en fiche » très vulgaire et isolationniste aux remises à l’ordre du comité économique de Bruxelles pas vraiment en état d’apprécier une telle nouvelle.

La France restera à l’Euro, monnaie qui dorénavant symbolisera ses implications dans les pactes bancaires sur les gains que notre pays escompte tirer avec ou à l’avantage de ses partenaires. Ce que nous n’avons pas su saisir avec suffisamment de profondeur - mais là les dirigeants de la Commission de travail chargée de poser le texte constitutionnel y est certainement pour quelque chose dans ses partis pris idéologiques qu’elle se proposait elle-même de lever ou tout au moins dépasser - c’est que la bonne volonté exprimée n’allait pas satisfaire le plus grand nombre de ceux qui auraient entre leurs mains la possibilité offerte d’en modifier le cours tranquille d’une destinée irrévocable pour laquelle de nombreux technocrates prirent part et dont pratiquement chacun prétendait avoir donner le meilleur de lui-même. Ils se sont effectivement surpassés et de quelle manière. Verrouillant sur l’Angleterre ses faux espoirs de légitimité absolue reléguant au raisonnement absurde, soi disant qualifié même de choix d’ « imbéciles », les trois ou quatre voire même cinq pays qui voteraient pour le « non » et qui ne pourraient, par une majorité particulière redevenue subitement minoritaire une fois passée sur l’échelle d’un ensemble européen où finalement très peu auront donné leur avis en s’exprimant par voie électorale et où finalement ne comptent que les systèmes banquiers qui usurpent en prises de bénéfices le travail collectif en dehors duquel n’aurait jamais dû s’éloigner la construction européenne, espérer un seul instant en changer les orientations politiques.

L’ambivalence proposée par le projet européen en lui-même qui n’a plus qu’à appliquer le principe d’une majorité électorale en minorité de projet décrète plutôt une fermeture en opposition au réel désir d’ouverture en appel à ce « non » qui semble avoir tellement de répondant. Ils en auront du répondant et quoi qu’il arrive il est déjà demandé que la déclaration de la Charte des droits de l’homme y fassent figure de préambule plutôt qu’une phrase de Thucydide dont il est difficile de saisir le portée véritable tant elle est dénuée de contemporanéité à mon goût.

L’impact d’un préambule composé mot pour mot du texte constituant des droits de l’homme et du citoyen serait bien la moindre des choses sans quoi il deviendrait nécessaire de dire « non » à tout, d’accepter le principe des droites réunies en une seule par sa même extrême elle aussi passée si sournoisement au statut de républicaine et de craindre l’achèvement des libertés en un totalitarisme économique au risque d’ouvrir les portes à de nouvelles formes de fascisme qui, pour ne pas exister ou ne plus être permises, n’en cachent pas moins une réelle résurgence dont le particularisme de camouflage consiste à en pas s’en rendre compte que l’on devient fasciste pour les besoins de l’économie galopante pleine de promesses de prospérité. 25 millions de chômeurs sur le sol européen et 60 d’autant de millions de pauvres, voilà de quoi s’interroger sur la sincérité des propositions contenues dans la maigre constitution présentée au vote français. Ah, mais pour eux ça va ils gagnent de l’argent en quantité exorbitante, l’Europe a été conçue pour eux et ils sont pas nombreux, en tous cas plus majoritaires. L’heure est maintenant au passage à l’application des revendications qui sont sorties du « non » français arrachant in extremis à son avenir le simple droit à l’existence ainsi que sa révélation à l’ensemble des pays membres. Le camp du « non » l’ayant emporté par le vote, il convient désormais de l’écouter et de prendre en considération les multiples revendications qui ressortent de ses analyses qui sont parvenues à lever le masque sur bien des points sensibles que le texte rédigé laissait apparaître permettant ainsi d’en compléter l’élaboration. Remplacer et replacer le projet sera le travail immédiat d’une Europe en bureaux obstinée dans son langage unidirectionnel. Le principe d’un retour à des politiques économiques keynésiennes s’expose avec envergure chez de nombreux spécialistes qui y voient la garantie d’une égalité plus digne, effective et efficace.

Certes il ne sera pas aisé de faire accepter à l’ensemble des pays membres constitutifs de l’espace européen l’adoption pour préambule de la Charte universelle des droits de l’homme car le fait de ne pas la signer permet à certaines nations de s’y soustraire tout en appartenant au projet du traité européen mettant alors devant le fait accompli le rempart de ses préférences nationales face auxquelles les instances internationales se retrouvent comme paralysées confrontées qu’elles sont alors à l’impossibilité d’intervenir juridiquement et de manière ouverte sans entraves sur des problèmes de non respect des droits fondamentaux, le micmac économico juridique étant là aussi à nouveau relégué à une moindre importance étant donné qu’il oriente dès le départ de son édification une certaine orientation du fonctionnement de la justice dont la remise en cause paritaire a été soulevée avec fracas lors des grèves des Barreaux en France. Le « non » français cherchait aussi à reconsidérer toutes les dérives politico judiciaires qu’offrait, au fur et à mesure de son implantation droitière, un traité constitutionnel qui ferait démarrer les nouveaux arrivants sur les bases d’un tel climat ; l’Europe des Poutine, Chirac, Blaire tant redouté qu’on remplace par l’urgence des consultations référendaires qu’il y aurait à mener dans tous les pays de l’Union européenne à une date unique sans possibilité de se dérober comme l’Angleterre ou de s’y soustraire comme l’a fait l’Allemagne, la Lituanie, la Hongrie, la Slovénie, l’Italie, la Grèce, la Slovaquie ou l’Autriche encore qui avaient tous opté pour la voie parlementaire. L’Europe doit être « uni-formelle » (unie et formelle) dans ses choix et ses décisions par les peuples qui la constitue ou du moins qui tentent de s’en approcher d’une constitution européenne sans quoi l’équilibre démocratique risque d’être rudement mis à mal.

Laurent Chrétien - Gantner

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