La fin des idéologies, c’est quand elles ne suffisent plus pour diviser les peuples

Philippe Grasset est un écrivain et blogueur, spécialisé dans la revue de presse géostratégique et les questions de défense, très relayé et donc lu à l’extrême-droite et dans les milieux souverainistes m’a-t-on dit. Il soutient comme je le fais dans mon projet d’écriture, motivé lui plutôt par des valeurs pacifistes, universalistes et certains me disent, soixante-huitardes et hippie, l’appel à l’hallali, à l’union sacrée des humains et du vivant contre ce qu’il est convenu d’appeler le système, au nom d’un impératif catégorique, celui de « survie de l’espèce » (des espèces ?). Cette notion est de son côté chère à l’anthropologue Paul Jorion qui rassemble de son côté sur son fameux blog francophone consacré à la crise économique tout un pan de la réflexion populaire en ligne, du crowd thinking que nous tentons dans nos réseaux, nous tous, les forces vives et multiformes de la population, d’opposer aux Think tanks élitaires et vénaux alimentés par les intellectuels et experts à la solde des multinationales et des partis.

Quelques uns semblent pourtant manquer à l’appel. Les premiers qui viennent à l’esprit sont ceux dont on se souvient parce qu’ils sont partis plus tôt au contact, dès la fin des années 1990, et qui sont maintenant en fin de cycle à force de se faire noyauter ou de prendre les coups de la part des professionnels de  la protection de la propriété privée du capital et de ses institutions nationales et internationales. Ce sont les altermondialistes et les réseaux anti-capitalistes de l’internationale libertaire nomade, les deux composantes du mouvement des contre-sommets, qui a connu ses heures de gloires (OMC, Seattle 1999) et ses défaites cuisantes (OTAN, Strasbourg, 2009), et dont la virulence capable de mobiliser parfois par centaines de milliers contre le capitalisme, a accéléré le renforcement des législations sécuritaires liberticides et de contrôle systématique (affaires PRISM, NSA) aux USA et en Europe. Les libertaires, qui ont fait école sur le plan de leur façons de discuter et de prendre leurs décisions, nous lèguent à nous les gens ordinaires, parfois à contre-coeur, leur paradigme de la démocratie directe horizontale, qui a émergé, avec toutes les maladresses des premières fois, sur les place publiques avec le mouvement des Indignados/Occupy Wall Street de 2011 et 2012, notamment en Grèce, en Espagne, aux USA et en France.
Tout ce monde semble s’être évanoui dans la nature, ce qui est peut-être vrai au sens propre, d’ailleurs, dans le cadre du second grand mouvement de retour à la terre depuis les années 70 qui s’amorce en Europe et du vaste mouvement mondial de transition écologique par la base qui s’entame loin des feux de l’industrie du spectacle. Il aiguise ses faux et ses fourches en prévision de sa grande confrontation de comparaison des rendements de la permaculture naturelle contre les industriels cancérigènes de l’agro-chimie et des OGMs, et notamment, le plus cynique d’entre eux,  Montsanto ; confrontation à la vie à la mort, puisqu’il s’agit pour les lobbies de semenciers de priver la population des moyens de son auto-subsistance alimentaire indépendante de l’industrie.

En triomphant sur toute la ligne, en soumettant sans vergogne ni retenue les pouvoirs législatifs et exécutifs des démocraties à ses diktats, en mettant en coupe réglée la moindre des niches de profit à coup de lois scélérates et de marketing, l’hyper-capitalisme réussit un tour de force inouï et bientôt historique : provoquer l’unité dans la réprobation, qui deviendra bientôt contestation de l’ensemble des individus de toutes idéologies, croyances et absence de croyances confondues ainsi que d’un nombre incalculable et idéologiquement incompatibles de communautés, de collectifs, d’organisations, d’associations et de même d’institutions.

Philippe Grasset, dans Dedefensa.org, écrit une pépite le 7/10/2013, comme il en a parfois le secret, dans un article consacré à la crise budgétaire américaine. Il s’agit, en octobre 2013, de la coupure shutdown des crédits publics qui immobilise le pays pris en otage par une poignée de congressistes bornés, mais surtout par son système représentatif sclérosé et corrompu. S’agissant d’une analyse de la situation aux USA, on regrettera qu’il n’écrive qu’en patois.
Dans ce passage, il aborde les questions de stratégie et de tactiques révolutionnaires, matières regrettablement délaissées par les révolutionnaires de salon sur la gauche du spectre des divisions populaires encouragées par le système. N’hésitons donc pas à les lui emprunter, d’autant que lui-même les emprunte à gauche, justement :

«La question la plus urgente aujourd’hui pour les groupes antiSystème est la réalisation que la bataille se trouve désormais dans un stade ultime, où toutes les dynamiques d’affirmation et d’affrontement des groupes hostiles au Système doivent tout sacrifier à cette seule dynamique de l’hostilité au Système. Il s’agit de la réalisation de la globalité fondamentale de cet affrontement, mais aussi de son extrême simplicité s’exprimant par la nécessaire destruction de tout ce qui participe aux fondamentaux du Système, de tout ce qui est partie prenante du système, etc.»

Il poursuit en rappelant la pertinence actuelle de la « tactique de l’ennemi principal » en situation de crise ou de guerre d’émancipation :

« La démarche essentielle à réaliser, à laquelle se refusent encore de nombreux groupes “dissidents” mais liés à des idéologies que le Système a nécessairement récupérées… c’est d’exposer clairement cette tactique si simple, dite de l’“ennemi principal”. L’expression fut employée par les communistes nationalistes d’Indochine d’Ho Chi-minh lorsqu’ils choisirent, en 1945-46 de se ranger objectivement, temporairement, au côté des Français pour résister aux pressions intéressées des communistes chinois, qui entendaient annexer leur mouvement au nom de l’“aide internationaliste” du communisme. Bien entendu, l’aspect temporaire n’existe guère dans notre cas, dans la mesure où le Système n’est pas un “ennemi principal” temporaire, mais qu’il est l’“ennemi principal” absolu dont la défaite bouleversera de fond en comble la situation et obligera à des révisions complètement fondamentales du jugement. Mais le sens de l’expression permet de mieux expliciter cette tactique fondamentale, si fondamentale qu’elle enfante in fine la stratégie à suivre. »

Suit un développement sur la stratégie à suivre. Gageons qu’elle ne tombera pas dans l’oreille de sourds, quitte à ce qu’elle s’accompagne de pincements de nez ou prenne la forme de « rivalités dans les oeuvres », pour citer la source coranique d’une autre composante incontournable du mouvement anti-système, puisque prise en otage par lui au titre de bouc émissaire.  Cette stratégie est celle de toutes les alliances composites. Ce qui est nouveau, c’est la largeur de son spectre, ici exprimé à partir d’une plume relayée à droite, mais qu’on a déjà entendu aussi dans les mouvement d’individus hors organisations politiques, celui des indignados et d’Occupy Wall Street ; mouvements progressistes, voire libertaires par certains héritages comme nous l’avons vu. L’idée de l’alliance des 99% contre la tyrannie fait son chemin malgré les résistances exprimées par ceux qui, regard rivé sur le rétroviseur et sur les horreurs du passé, négligent de comprendre que l’histoire ne se répète jamais de la même manière, feignent d’ignorer que certaines choses se transforment en leur contraire ou changent de nature, et surtout, ne voient pas le mur devant nous et n’ont pas encore pris le tournant de « tout sacrifier à cette seule dynamique d’hostilité au système ».

« … l’on peut simplement approuver une action [celle des obstructionnistes qui provoquent le blocage],…sans épouser leur cause, ce qui est la chose la plus aisée du monde puisque leur cause n’est évidemment pas et ne peut être l’enjeu de la bataille, – et l’on peut, et l’on doit pouvoir faire de même avec toute action d’idéologie différente dès lors qu’elle recèle une dimension antiSystème. La seule chose à déterminer est le caractère antiSystème de telle ou telle action, et, à partir d’une détermination positive, de soutenir cette action de toutes les façons possibles, sans nécessité de s’engager en aucune façon sur les aspects marginaux que sont les intentions et “valeurs” idéologiques des uns et des autres. De toutes les façons, la puissance de l’“ennemi principal” (le Système) est telle qu’il ne peut se révéler, au bout du compte, que comme l’“ennemi absolu”, et, dans ce cas, toutes les considérations idéologiques héritées souvent par un penchant romantique des époques passées (sous domination du Système) acquièrent nécessairement l’importance qui est la leur dans cette occurrence, – c’est-à-dire une importance qu’on peut et qu’on doit considérer comme si proche d’être nulle qu’elle le serait effectivement.

En vérité, il n’y a pas de choix. La résistance antiSystème tend à devenir, aujourd’hui, un acte absolu qui ne peut plus se nuancer, dans la mesure où il s’oppose à l’“ennemi absolu”. Exactement comme les Anciens entendaient l’Histoire en la réduisant aux actes du présent, ce sont effectivement les actes du présent, dans cette lutte titanesque, qui créent une nouvelle situation historique. »

Intentions, valeurs, idéologies passent bien au second plan, le temps de la bataille, mais sont aussi emportées et transformées par la nouvelle situation historique, emportées et transformées parce que circonstancielles et conditionnées par l’existence du Système. Celui-ci disparu, celles-ci, nées au sein ou en réaction au Système, sont appelées à disparaître ou a à se recomposer dans le cadre d’un nouveau paradigme politique, économique et culturel où les anciennes formules perdent leur sens.

Les dimensions psychologiques de ce combat sont passées sous silence. Parmi les nombreux obstacles sur la voie de la mise en oeuvre de la tactique de l’ennemi principal et de l’union sacrée contre le système, il y a l’intuition évidente que la composition de cette alliance ne peut être que victorieuse et aboutir à la destruction effective du système Or ce système qui pratique le bâton et la carotte, fait vivre et laisse mourir, mais eux, jusqu’à présent, jusqu’au prochain licenciement, jusqu’au prochain shutdown, il les a fait vivre. Cette peur se combat par la sécurité alimentaire et par la confiance que l’on peut développer dans les solidarités et les ressources de proximité.
Mais aussi, face à la perspective du triomphe, le plus difficile, pour les idéologues, de gauche, comme de droite, quant il s’agit de s’engager dans la bataille contre le système, c’est qu’ils savent qu’ils y perdront le monde tel qu’il fait sens pour eux, face auquel, quelles que soient les critiques qu’ils lui adressent, ils sont compétents, diserts, à l’aise. Se préparer à vaincre le système, à l’abattre, à détruire et à dépasser le capitalisme et la démocratie majoritaire, c’est se préparer à perdre son système de représentation du monde, sa hiérarchie des valeurs, ses préjugés sur autrui, puisqu’autrui aura, lui aussi, perdu ses références. En ces temps à venir, une fois n’est pas coutume, l’Homme aura à être plus grand dans la victoire qu’il ne l’est dans la défaite.

Vigilius Argentoratensis, 9 octobre 2013

Tous droits réservés. Diffusez librement et gratuitement les contenus (articles entiers ou citations) de ce site avec mention obligatoire de la source http://vigilius.eutopic.info

Pour toute publication sur un support payant, contactez l’auteur :

CONTACT EMAIL

Posted in Root Striking | Leave a comment

LA REELLE DEMOCRATIE, C’EST CELLE QUI ETABLIT L’EQUITE

La réelle démocratie ne peut pas être grecque, ni fondée sur le modèle grec. Les grecs contemporains sont bien placés pour s’en rendre compte. Voudraient-ils se libérer des formes de cette démocratie défaillante pour la refonder autrement que l’Europe entière, convertie à ses antiques manières, chercherait à l’en empêcher avec toute la puissance accumulée par les monstruosités économiques accouchées des failles dans ses principes fondamentaux eux-mêmes.

Dans le système actuel, tout le monde semble encore accepter les arbitrages politiques en faveur des corps constitués, des multinationales de la finance et de l’industrie. La raison en est que tout le monde semble encore soumis au principe grec de la nécessité des arbitrages effectués, des lois élaborées et décidées par des représentants, par des chefs. Le système de son côté, à défaut d’enthousiasmer les foules dans l’espoir de l’équité pour tous, essaie nous corrompre en nous faisant espérer avoir notre part de miettes des privilèges redistribués en partie par ceux, personnes morales anonymes ou à responsabilité limitée plus que personnes physiques, qui les concentrent jusqu’à l’écœurement.

Mais à l’heure où le système entre en oscillation auto-amplifiante jusqu’à menacer la rupture à cause de la concentration catastrophique des privilèges, se repose la question de l’établissement de l’équité. Cette question de l’équité est derrière les mouvements et les interrogations sur la démocratie réelle directe ou participative, sur le recours à un gouvernement par les sages ou à la dictature, qu’elle soit éclairée ou non. Ces vieilles questions grecques, la Grèce moderne est d’ailleurs la première à se les reposer en Europe au début du XXIème siècle, sans solution.

Mais peut-être n’y a-t-il justement pas de réponse dans le cadre de l’héritage de la culture grecque ? Contrairement à d’autres cultures de palabres, la Grèce avait posé ses principes et ses pratiques démocratiques pour faire les lois et désigner des chefs, pas pour résoudre les problèmes à la base et chercher à établir l’équité entre les citoyens. L’équité n’était pas considérée comme une question politique, mais comme une question de négociation dans le commerce entre les individus, de morale individuelle, voire de religion avec l’arrivée du christianisme.

Poursuivant par imitation la tradition grecque et romaine qui favorise le droit plus que l’arbitrage dans la relation, la république moderne a posé contre l’aristocratie le principe de l’égalité (face à la loi). Du même mouvement, elle a perpétué l’inégalité économique en la fondant sur la sacralisation du droit de propriété. Dans les républiques américaines et françaises, modèles de toute république moderne, tout le monde a le même droit de posséder de façon inégale. Le communisme centralisé, inattentif à la perversion du pouvoir, a attaqué la propriété bourgeoise en mettant en avant le même principe d’égalité de la modernité, poussant « plus loin », la révolution bourgeoise. Tout le monde y a le même droit de ne rien posséder, quitte à ce que certains jouissent de façon exclusive des plus beaux fruits de la propriété mise en commun par tous. L’équité n’était toujours pas à l’ordre du jour des soviets envahis par les fusils de l’armée bolchevique.

Après l’échec des républiques modernes et du communisme centralisé, désormais, le principe d’égalité et l’approche par le droit sont usés, et conduisent à l’ornière toutes les révolutions conduites en leur nom. On a compris que l’égalité et le droit servent surtout à fonder des systèmes inéquitables, et au mieux, à lâcher le loup du marketing sur l’enclos des consommateurs. En réaction, l’équité émerge désormais consciemment comme un principe supérieur à celui d’égalité. Il est en apparence, comme tout ce qui peut lui servir d’ailleurs, accaparé par le capitalisme, qui prétend s’humaniser en jouant l’équité contre l’égalité, mettant surtout en avant la reconnaissance sonnante et trébuchante du mérite des entrepreneurs. Comme dans la réalité, le système spolie aussi les entrepreneurs pour enrichir ses bilans, ses financiers, ses rentiers et ses obligés, on ne peut que constater qu’il s’agit là d’une récupération et d’une perversion conceptuelle de plus opérée par le capitalisme idéologique. Le capitalisme ne dit donc rien d’utile en matière d’équité, qu’il ne pratique pas, sauf dans le cadre de rapports de forces contractuels ou entre acteurs acceptant de se comporter de façon équitables entre eux pour mieux se mettre en position ensemble d’en exploiter et en spolier d’autres.

L’équité s’élève par conséquent au rang de valeur universelle et non seulement de rapport contractuel entre gens de bonne compagnie ou neutralisés par leur rapport de force. Elle s’étale en un horizon désirable, en remède aux maux causés par la dictature de la philosophie du profit. Elle émerge désormais à la base de la conscience des mouvements sociaux comme un principe supérieur à celui d’égalité. C’est à juste titre, non seulement parce que tout le monde n’est pas identique, mais aussi parce que tout le monde ne veut pas la même chose, n’a pas besoin de la même chose, et que l’égalité face au droit, mise en avant par les révolutionnaires d’inspiration grecque ne peut plus masquer qu’elle contamine de rhétorique égalitariste des domaines où l’humain exprime qu’il a besoin, non d’égalité, mais d’équité dans la liberté.

Lutter contre les privilèges non par l’application d’un principe d’égalité, mais par la recherche d’équité suppose de mettre en place les conditions nécessaires pour l’établir et la maintenir. La recherche d’équité suppose de s’écouter, d’avoir des lieux et des moments pour exprimer et entendre la réalité ce que nous coûtent nos apports, ce que sont nos besoins et nos aspiration. Comment un représentant élu, un sage, un chef ou un tyran bienveillant pourrait-il savoir ce qui est équitable pour moi et pour autrui, ce que je donne et ce dont j’ai besoin si je n’ai pas de lieu, de chambre de compensation où m’exprimer sur la réalité des dossiers, pour écouter la réalité d’autrui. L’équité ne repose pas dans la sagesse de lois, mais dans la sagesse des débats. Une « équitocratie », qui poserait la recherche d’équité en principe constitutionnel, ne peut donc se concevoir sans espaces réels ou virtuels  d’assemblées locales ou thématiques, de conseils multilatéraux, sans subsidiarité et sans suppléance. A défaut, l’équité resterait un vœu pieux parce que le système, aveugle et sourd aux expressions individuelles et communautaires ne saurait produire d’équité au quotidien.

Rechercher l’équité, c’est la seule façon de faire sauter le verrou grec et romain dans la question démocratique, qui abordent la question sous l’angle du droit et de la chose publique pour, préfigurant le capitalisme, laisser l’action économique, la production, le commerce, aux acteurs privés, extrayant la question de la production locale d’équité au niveau de ces acteurs du champ de la politique, les mécanismes de corruption du fait religieux, puis de désacralisation consécutive s’arrangeant ensuite pour l’extraire aussi du champ religieux et spirituel.

2500 ans plus tard, avec l’invention du capital et des mécanismes de sa création et de son accumulation par la monnaie, ces acteurs économiques exemptés du devoir spirituel, moral ou politique d’équité, ont dépassé les peuples, les cités, les rois et les états en capacité d’accumulation de puissance et de pouvoir. Ils règnent désormais sur sur eux. Érigés abusivement au rang de « personnes morales » sans avoir de responsabilité existentielle, de cœur, ni d’intelligence pour autre chose que l’accumulation, les acteurs économiques nés du droit moderne ont pris en otage, outre leur destin, tout le système politique des personnes physiques. La révolution paradigmatique hors de l’espace de pensée ouvert par les Grecs passera donc par la révolution démocratique au sein des acteurs économiques autant que dans la sphère publique qui ne sert plus qu’à protéger leur prééminence. C’est-à-dire qu’elle passera non par la collectivisation et la nationalisation de ceux-ci, c’est-à-dire à leur mise sous tutelle à l’identique des comportements (continuité des élites oblige), non pas l’autogestion par les seuls travailleurs, mais par la gestion « communautaire » de ceux-ci par tous ceux dont ils impactent l’existence. La part conceptuelle de la révolution vers l’équité consistera à accoucher des formes de l’exercice du débat décisionnaire au sein des acteurs eux-mêmes, dans l’interdépendance, la subsidiarité et la suppléance. La prochaine révolution ne sera pas une révolution politique, mais une révolution dans le concept-même de politique et de l’étendue de son champ d’application. Les marques fixées en Occident puis dans le monde depuis le temps des anciens grecs entre le public et le privé, entre le politique et l’économique, vont être renversée par l’arrivée d’un troisième terme, celui qui recherchera et trouvera l’équité et la compensation là où il est possible de la trouver, c’est-à-dire dans la relation sur le terrain et non dans la loi ou la représentation.

Le conseillisme élargi, porté par une insurrection globale et un mouvement d’appropriation commune décentralisé reste en lice comme la seule option non explorée historiquement capable d’impulser un changement des formes hors des limites de la démocratie grecque. Il peut fournir le logiciel capable d’investir politiquement les acteurs économiques pour en faire à chaque fois des agora publiques et démocratiques, des lieux d’exercice de la palabre de régulation systémique, de la compensation permanente et de la production d’équité dans la relation.

Vigilius Argentoratensis, juin 2013

Première mise en ligne 20 juin 2013

v. 0.5

1ère mise en ligne 18 février 2011

Tous droits réservés. Diffusez librement et gratuitement les contenus (articles entiers ou citations) de ce site avec mention obligatoire de la source http://vigilius.eutopic.info

Pour toute publication sur un support payant, contactez l’auteur :

CONTACT EMAIL

Posted in Non classé | Leave a comment

Comment gérer les communs ?

Entre la propriété privée et la Res Publica, la Res Communis, la propriété commune. Comment gérer les communs ? Répondre à cette question, c’est les rendre possible. Ils sont déjà souhaitables.

Organigramme de gestion multilatérale des sociétés à responsabilité illimitée

Comment gérer les communs ?

Les entreprises humaines collectives dans l’industrie, la banque, les services, l’énergie ont des responsabilités économiques, sociales, sanitaires, environnementales, énergétiques, géo-stratégiques que statuts privés ou publics ne leur permet pas d’exercer, que les législations et les contrôles échouent à encadrer.

Elles émergent désormais comme des « biens communs », ni privés, ni publics, à gérer comme tels et de façon interdépendante, multilatérale et démocratique par toutes les parties prenantes : les entrepreneurs, les salariés, les fournisseurs, les consommateurs, les collectivités territoriales et publiques, les finançeurs/acteurs monétaires, les associations de consommateurs et environnementales.

L’appropriation et la gestion commune des communs est donc très différente de la collectivisation, de la nationalisation comme de toutes les solutions de gestion unilatérale des entreprises par les seuls salariés.

Posted in Res Communis, Syn-Archie | Tagged , | 1 Comment

Pour un troisième terme, les communs, entre la propriété privée et la Res Publica

Au croisement de ce que nous pouvons vouloir et de ce que nous ne voulons plus à tout prix, il y a des solutions à ramasser pour le glaneur de clairière :

Au sommet de la pyramide républicaine bourgeoise, il y a le droit de la propriété. Il permet aux 1% de s’approprier l’intégralité de l’influence, du pouvoir et du bénéfice démesuré que procure la coordination en organisation de l’ensemble des individus qui se dépensent en tant qu’individus, mais ne sont jamais rémunérés qu’en tant qu’individus, alors que le tout qu’est chaque entreprise procure tellement plus que la somme de ses parties (Proudhon). La domination financière ne cessera que lorsque le capital sera chassé du pouvoir de décider seul du sens à donner à l’entreprise humaine et du privilège démesuré de capter seul les fruits de la coordination des efforts et des ressources de tous. Ce n’est pas une question de redistribution des richesses, mais de réappropriation commune des richesses et du pouvoir. C’est aussi, pour les 99%, l’enjeu, le défi démocratique inouï de participer directement aux décisions qui les concernent, seule façon de se restaurer dans sa dignité, dans l’interdépendance librement discutée et la coopération plutôt que dans la mise sous dépendance et la subordination.

Un « peuple d’individus souverains », une démocratie, cela ne peut pas être le lieu de la lutte de tous contre tous, de la concurrence de tous contre tous pour se disputer le droit de vendre les heure de sa vie en échange du salaire individuel le plus concurrentiel sur le marché du travail, en se condamnant, outre à la subordination et à la pauvreté, à polluer, à surexploiter, à empoisonner, à tromper, à produire de la camelote, à subir la tyrannie du management, le deuxième cercle, qui impose à tous la logique du seul profit imposé par le tyran, le premier cercle, le capital, anonyme, inhumain, irresponsable et criminel sur tous les plans : sociaux, sanitaires, écologiques, énergétiques, politiques, géopolitiques, monétaires.

Nous nous restaurerons dans notre dignité humaine (le contraire de l’indignation) quand, sur le plan du droit, nous aurons aboli les privilèges de la propriété individuelle sur les propriétés communes, quand sur le plan de l’intelligence collective, nous seront à la hauteur pour gérer ensemble, démocratiquement, avec toutes les personnes concernées (et pas seulement les seuls travailleurs) des entreprises devenues des « sociétés de personnes et d’intéret commun » et non plus des « sociétés de capitaux et de profit ».

Vigilius Argentoratensis

Merci à Paul Jorion qui nous rappelle Proudhon, à Néo Trouvetou, et à La Boétie.

v. 0.01 du 17 mars 2012.
___

Tous droits réservés. Diffusez librement et gratuitement les contenus (articles entiers ou citations) de ce site avec mention obligatoire de la source Blog de Vigilius Argentoratensis http://vigilius.eutopic.info

Pour toute publication sur un support payant, contactez l’auteur :

CONTACT EMAIL

Posted in Res Communis, Root Striking, Syn-Archie | Leave a comment

Sociétés Anonymes contre Démocratie

Nous n’avons pas de prise démocratique sur les sociétés anonymes, multinationales ou non. Leur activité a des répercussions démesurées sur nos vies et sur le destin politique des nations. Elles sont à l’origine de bien de nos maux. La solution radicale à ces maux passe par la réforme de ces acteurs économiques tout-puissants. Cette réforme n’est possible que par une volonté politique et seul un mouvement social d’ampleur sans précédent est à même de porter une telle volonté politique de changement.

L’histoire récente de l’inflation législative favorable aux seuls intérêts des multinationales, de l’impuissance des agences de contrôle démontre qu’il est impossible de réguler, de contrôler, de civiliser, d’humaniser les sociétés multinationales et les sociétés anonymes par le droit, par la règlementation. Ce sont elles qui produisent le droit dans tous les secteurs où elles ont des intérêts, c’est-à-dire, bientôt, dans tous les secteurs. En dictature, elles achètent les dictateurs, en démocratie, elles favorisent décisivement les campagnes médiatiques des seuls candidats qui leur renverront l’ascenseur, qui du coup sont les seuls à avoir une chance d’être élus. La démocratie représentative est structurellement otage des lobbies, et le lobby bancaire et financier n’est qu’un cas particulier. Le même phénomène joue à plein dans l’agro-alimentaire, le nucléaire, le pétrole, la pharmacie, l’armement où l’on ne compte plus les lois et les pratiques politiques scélérates à l’endroit de l’intérêt, de la sécurité, de la santé, de la liberté du petit peuple. Sauf cas exceptionnels relevant de la qualité individuelle de certains dirigeants et cadres, il est structurellement impossible de réguler, de civiliser, d’humaniser l’activité des sociétés anonymes et des multinationales, surtout avec le chantage au chômage et à la délocalisation qu’elles pratiquent sans vergogne dès qu’elles voient leurs intérêts immédiats ne serait-ce qu’égratignés.

Il n’y a doc pas à tortiller, il faut sortir du capitalisme au sens technique et étroit du mot, c’est-à-dire du système de droit qui donne tout pouvoir aux seuls actionnaires dans les entreprises et du système monétaire qui lui confère la toute-puissance. Sinon, le phoenix anthropophage renaîtra toujours de ses cendres, reprendra toujours l’avantage sur l’état et le corps social, suscitera toujours de nouvelles kleptocraties à partir de n’importe quelle révolution faite ou à faire.

Il n’y a que deux solutions pour retirer le fondement-même de la puissance monopolisée par les possédants grâce au droit de la propriété et au droit des affaires :
1. Nationaliser et gérer les entreprises de façon centralisées, ce qui marche assez mal et n’enthousiasme plus grand monde. C’est le modèle daté historiquement du centralisme soviétique en URSS et ailleurs au XXème siècle.
2. Proposer de démocratiser la direction des sociétés anonymes et des multinationales elles-mêmes en leur laissant le statut d’entités autonomes, mais gérées démocratiquement en interne par des Assemblées Générales multilatérales chargées d’impulser et de contrôler leur stratégie, leur organisation et leurs pratiques et responsables sur les plans éthiques, sociaux, environnementaux et politiques (et non plus seulement financier) afin de remédier à leurs nombreuses dérives internes et externes.

Cette deuxième solution serait une évolution à penser à partir du mouvement coopératif et mutualiste de la démocratie directe au consensus, et qui instituerait la notion de gestion multilatérale des entreprises de grande taille (non pas par les seuls actionnaires, non pas par les seuls travailleurs, non pas par les seuls sociétaires).

Par le nombre de personnes, de territoires qu’elles font vivre, par leur impact sur l’environnement, par leur dangerosité potentielle, les entreprises multinationales, fruit du génie et du labeur humain, héritières des savoirs issus du domaine public, commun à l’humanité, sont à considérer démocratiquement comme des « biens communs » à extraire du droit privé, à gérer en commun selon un statut tiers, ni privé, ni public.

La solution de gestion multilatérale des « biens communs » n’est ni de droite, ni de gauche. Elle allie le pragmatisme de la liberté entrepreneuriale (chère à la droite et à la gauche libérale) au progrès social et environnemental (chers à la gauche en général et aux écologistes). Elle institue une régulation courte des systèmes par la participation de toutes les parties prenantes à leurs Conseils et directoires. C’est bien-sûr une proposition révolutionnaire sur le plan du droit de la « personne morale » des entreprises et de leur gouvernance. Elle suppose aussi certainement de remplacer la recherche d’investissements capitalistiques par le recours à des acteurs démocratisés de création monétaire par le crédit (1), autre organe de régulation externe de leur activité. Mais, après l’échec de l’état et des institutions internationales, c’est peut-être le seul moyen de mettre l’humain et la préservation de la planète au centre des préoccupations des acteurs économiques eux-mêmes.

Les multinationales cesseraient d’être des acteurs prédateurs en interne avec leurs propres employés et en externe avec les ressources naturelles, les appareils et les institutions politiques qu’elles rendent autoritaires et belliqueuses et les populations prises partout en otage jusqu’au moindre recoin de leur existence. Elles cesseraient d’être irresponsables, gouvernés par le non-sens, à savoir le profit pour lui-même, seul objectif quantifiable qui puisse être pris en compte par des actionnaires anonymes et des investisseurs financiers dépourvus de tout moyen d’infléchir les politiques entrepreneuriales à partir de leur éthique individuelle et de leur sens des responsabilité globale, qu’ils peuvent avoir, mais qu’ils ne peuvent pas exercer en tant que tel.

Dans le cadre du système actuel, les « 1% » sont des êtres humains aussi, mais ils n’ont aucun moyen de le prouver. Même le ruissellement humanitaire provenant de leurs montagnes de richesses accumulées n’irrigue plus, ne fait plus fleurir les sourires, ne fait que creuser, éroder et ne contrecarre pas la désertification. Ils s’enorgueillissent de « faire vivre » des centaines de milliers d’employés, mais se voilent la face sur les centaines de milliers ailleurs qu’ils « laissent mourir », qu’ils condamnent à la misère, à l’empoisonnement, à la mort violente. Ils sont humainement les premiers otages d’un système de guerre économique patiemment construit, d’autant plus otages qu’il les enrichit sans limites, irrémédiablement.

Vigilius Argentoratensis
première mise en ligne 21 décembre 2011

(1) C’est l’objet de la « révolution monétaire », elle-même également indispensable pour sortir du capitalisme en remplaçant la notion de « financement » par celle de « monétarisation ».

Tous droits réservés. Diffusez librement et gratuitement les contenus (articles entiers ou citations) de ce site avec mention obligatoire de la source Blog de Vigilius Argentoratensis http://vigilius.eutopic.info

Pour toute publication sur un support payant, contactez l’auteur :

CONTACT EMAIL

Posted in Res Communis, Root Striking, Syn-Archie | Leave a comment

Les pistes de travail de la commission « Monnaie et Economie »

DES INDIGNES DE STRASBOURG

La commission Monnaie et économie des indignés de Strasbourg s’est réunie pour la première fois le dimanche 4 décembre 2011.

Sa méthode n’est pas que tout le monde tombe d’accord sur les orientations et solutions proposées. Il suffira de pousser globalement à la roue dans la même direction…
Seul l’avenir dira si ces options sont trop révolutionnaires ou reviennent simplement au bon sens. L’objectif des travaux est d’élever par la discussion le niveau de qualité de solutions souhaitables, démocratiques, équitables et réalistes.

Ce sont donc des solutions évoquées comme pistes de travail pour les assemblées populaires pour faire face à la crise de la dette, à la crise économique, à la crise climatique, à la crise environnementale, à la crise sociale, etc. Ces pistes et groupes de travail sont proposés, pas encore validés par les assemblées.

– LUTTER : Opportunité d’une campagne européenne pour l’abrogation de l’article 123 OBJECTIF : l’abolition de l’esclavage de la dette publique (si validée, à travailler au niveau européen et occidental : cible les pays d’Europe, les Parlements à Bruxelles et Strasbourg, contacts et coordination avec Occupy US) ;

– PROPOSER le mot d’ordre « FRAPPONS FORT, FRAPPONS MONNAIE » et la réflexion sur les monnaies franches et/ou l’appropriation multilatérale des banques privées (ni privées, ni publiques, mais « biens communs », cf. infra).
OBJECTIF orienter démocratiquement (avec les acteurs économiques, sociaux, les particuliers, les « clients » des banques, les territoires) les flux de la création monétaire par le crédit afin d’atteindre nos objectifs communs écologiques, énergétiques, économiques et sociaux. (A travailler au niveau Global et de coopération populaire Nord-Sud) ;

– PROPOSER sur l’économie en général, de pousser les réflexions sur les Entreprises à concevoir (sur les plans juridiques et manageriaux) comme des « biens communs » gérés démocratiquement (cf. les « commons », res communis, ni privés, ni publics), la mise hors la loi du statut privé de Société Anonyme et la démocratisation de leur gestion en conseils d’administrations multilatéraux (composé p.ex. des fondateurs, salariés, clients, fournisseurs, assos de consommateurs, collectivités territoriales), OBJECTIF : solution radicale à de multiples problèmes et menaces par la régulation courte et orientation multilatérale de l’activité des acteurs économiques de la finance (voir supra), de l’industrie, de la distribution… sans tomber dans la collectivisation centralisée de triste mémoire à l’Est.

– URGENT, CREER ET DIFFUSER des kits d’urgences de création et de gestion populaire et démocratique de monnaies franches anti-crises fondé sur les expériences en Argentine, Allemagne, Suisse et d’ailleurs (à travailler au niveau national pour regrouper les compétences).

Posted in Res Communis, Révolution monétaire, Root Striking, Syn-Archie | 1 Comment

Vrai et faut débat autour de l’article 123 du Traité de Lisbonne et de la « monétisation »

Les indignés en Europe dénoncent de plus en plus nombreux l’article 123 du Traité de Lisbonne, l’article par lequel les états s’interdisent de se financer sans intérêts et s’obligent à payer de lourds intérêts aux banques et aux riches, ce qui est la cause réelle de la dette publque. L’establishment répond, pour reprendre l’expression de l’humoriste, non seulement en prenant les gens pour des cons, mais en ne les prenant que pour des cons. La réponse faite aux indignés, non seulement ne répond pas à la question posée, mais démultiplie le scandale.

Après la performance des juristes à la solde des milieux financiers qui ont formulé cet article, les économistes appointés ont préparé des fiches aux politiciens qui font mine de prendre la question de haut et disant pour une fois la vérité : « D’abord, la monétarisation de la dette n’est pas une panacée, on voit où cela mène les USA, ensuite l’article 123 n’interdit pas à la Banque Centrale Européenne de racheter des dettes publiques, vous vous posez de fausses questions. »

C’est la stricte vérité. Mais c’est un double scandale pour qui la comprend. Non seulement l’article 123 interdit aux états de créer leur monnaie, d’alléger directement leurs dettes publiques, d’investir pour remédier à la crise écologique ou pour réorienter l’économie dans un sens plus humain, etc., mais il n’interdit pas de sauver les banques privées en sortant les obligations les plus pourries de leurs actifs. La Banque Centrale Européenne n’a pas le droit de financer gratuitement ou de sauver les états, elle n’a que le droit de financer et de sauver les banques. (*)

____________________

(*) Explication et sources. La monétarisation, c’est la fabrication de monnaie par le souverain pour investir, fonctionner ou racheter ses dettes. La monétarisation est largement pratiquée par la FED aux USA qui achète à tour de bras les obligations du Trésor américain dont personne ne veut plus. En Europe, la monétarisation passe pour interdite par l’article 123 du traité de Lisbonne. C’est faux, « la monétarisation est pratiquable, parce qu’elle est pratiquée », rappelle Frédéric Lordon (voir ce chapitre à la page : http://blog.mondediplo.net/2010-02-17-Au-dela-de-la-Grece-deficits-dettes-et-monnaie#tdm ).

Posted in Hall of Shame, Révolution monétaire | Tagged , , , , , | 2 Comments

Utopie et Hybris. La Paix par la démesure

Assez ! Assez de mesure et de raison ! Assez de vécu ou de rêves de sociétés sages et régulées, de ces sociétés post-catastrophiques supérieures et condamnées, comme celle de tous ces peuples amérindiens, de ceux d’Afrique, d’Asie et d’Océanie, et qui seront toujours comme nos utopies décroissantes, toujours massacrées, violées, pillées, réduites en esclavage, décimées, génocidées, chassées, spoliées, ridiculisées, dont la terre cathare sera toujours transformée en désert rocailleux, glacé ou brûlant par les soudards de la civilisation de l’anté-catastrophe. Où que nous allions, quelque raison que nous invoquions, ils ne connaissent que la force. Toujours ils se rassemblent, jusqu’à présent invaincus, sous leurs étendards où se croisent la peur de la trique et l’avidité de jouir.

Image du Blog mamatus.centerblog.net
Source : mamatus.centerblog.net sur centerblog.

Nous sages et mesurés, toujours ils étendront leurs pillages. Le bouclier ne triomphe pas de l’épée. C’est pourquoi notre civilisation de l’anti-catastrophe ne peut avoir que plus d’hybris, de génie, d’inventivité, de culot, de vie et de force que son ennemie mortelle, qui est aussi l’ennemie mortelle de toute vie sur terre, mais tout cela sans jamais lui ressembler, lui céder, ni s’y corrompre. L’Hybris de la liberté, de l’amour, de l’intelligence, de la créativité et de l’empathie universelle, l’hybris du désir de regarder les étoiles en face, de s’en rapprocher, de les toucher, de rêver plus fort et plus beau que les mercenaires de la Foi, que les renégats de l’art vendus aux conquistadores des imaginaires, voilà qui fera de notre utopie tout sauf un îlot de paradis dans un océan de chaos, tout sauf un arpent de réserve naturelle dans un désert de fer, de verre et de béton. La civilisation de l’anti-catastrophe, nous la portons dans nos coeurs et nous éreinterons la peur et l’avidité du monde, non pas parce que nous ne ressentons pas de peur ou d’avidité, mais parce que nous avons plus de peur encore, que nous sommes plus avides encore, mais pas des mêmes choses, pas des choses, et que nous, nous ne fondons pas notre vivre ensemble sur elles. C’est par la démesure de notre peur de la médiocrité et par la démesure de notre avidité à ne pas nous satisfaire de seulement tout avoir que notre virtus prévaudra. La Liberté, l’Intelligence et l’Amour ne fondent pas d’utopie raisonnable, elles participent du jaillissement illimité des formes et il y a en elles plus de démesure que dans la peur et l’avidité réunies. Joyeux sous nos oriflammes, notre crache sera la plus forte et en face, ils déserteront leurs rangs pour grossir les nôtres. Alors seulement, nous aurons la Paix. Ce sera quand la Paix sera plus créatrice et génèrera plus de force et de prospérité que la guerre et le mensonge.

première mise en ligne 19 février 2011

Posted in Synthèses | Tagged , , , , , , , | Leave a comment

Quel visage pour la civilisation post-capitaliste ?

La démocratisation de la vie, de la gouvernance, de la direction des entreprises de la finance, de l’industrie et des services sera tôt ou tard au coeur de la prochaine révolution mondiale, tout simplement parce que ces acteurs, leur logique, leur déconnexion par rapport à la réalité humaine, sociale et écologique est au coeur des problèmes à l’ère du grand tournant.

Quel visage aura la civilisation post-capitaliste ? Les gens souhaitent plus de démocratie, plus d’équité, plus de partage, plus de responsabilité par rapport aux impacts négatif des activités économiques. Ils souhaitent que la paix s’établisse autour d’eux, de meilleurs logements, une nourriture saine, une activité professionnelle sans subir le harcèlement moral de la hiérarchie, pour eux et leurs enfants, moins de cancers dûs aux dizaines de milliers de molécules chimiques domestiques, moins de guerres et d’horreurs, moins d’algues vertes sur les plages ou de centrales nucléaires prêtes à exploser dans leur voisinage.

Pour obtenir tout cela, nous sommes nombreux à vouloir vivre une réelle démocratie maintenant, oui, pour remplacer la logique implacable et insensée des marchés et du profit qui corrompent toutes les élites, contournent toutes les régulations, ou bien pire, les imposent pour obliger les citoyens à payer l’intérêt de l’argent que leurs états n’ont plus le droit de créer, les obliger à payer toute leur vie durant des loyers et des traites et des intérêts exagérés pour se loger,  des lois scélérates qui interdisent au paysan de planter ses semences, au particulier de produire son électricité, de se loger ou de se soigner naturellement au moindre coût, de choisir sa vie, d’offrir  l’hospitalité aux migrants chassés de chez eux par l’exploitation éhontées des richesses du monde ou les guerres fomentées pour le profit.

Sans préjuger d’autres évolutions, étant donné la puissance des acteurs économiques et leur toute puissance sur les élites et les institutions des états et des organisations internationales, il devient de plus en plus évident qu’il n’y aura pas de démocratisation de la vie économique sans démocratisation directe de la gestion stratégique et opérationnelle des acteurs économiques eux-mêmes, c’est à dire des entreprises, des banques privées, des filiales locales des multinationales ou bien des multinationales elles-mêmes…
Les entreprises bancaires, financières, industrielles et des services (hors PME, artisanat, commerces individuels) ne pourront plus très longtemps relever du seul droit privé issu de la modernité, et ne peuvent pas être confiées au secteur public (pour des raisons de compétences et parce que personne n’y croit plus). Elles seront certainement à gérer au sein d’un tiers secteur à fonder en droit, celui de Res Communis, des « choses communes » dont le destin, la prospérité, l’évolution nous importe en commun, de même que leurs défauts actuels à corriger. Leur pratique systématique de l’obsolescence programmée, leurs pollutions, leurs toxines, leur dangerosité, leur perversité géopolitique, les conséquences sur le climat des choix de modes de vie qu’elles nous imposent nous impactent tous.
Les « choses communes » que sont les grandes entreprises, sont à gérer stratégiquement, et de façon opérationnelle non pas par le seul capital (libéralisme), non pas par les seuls producteurs (marxisme), sous la houlette de leurs technocraties étatiques respectives, mais par tous les acteurs concernés à savoir les fondateurs, les inventeurs, les travailleurs, les acteurs d’émission monétaire par le crédit, les fournisseurs, les clients, les collectivités, les usagers, etc.
Les bonnes pratiques qui préfigurent la gestion multilatérale des « choses communes » a déjà commencé à s’inventer et à se démocratiser sur les places publiques du monde qui en sont les premières agora et amphitéâtres. Ce sont elles qui préfigurent la gouvernance de demain et qui donneront confiance aux acteurs concernés pour changer de paradigme. Nous sommes désormais tous co-responsables de la réussite de l’intelligence collective. Cette (r)évolution touchera tôt ou tard les conseils d’administration autant que les institutions et les services publics. Il n’y a pas d’autre issue systémique à la crise actuelle.
La civilisation post-capitaliste, celle que nous souhaitons capable de régulation et d’équité, aura un nom et des pratiques qui restent à inventer ou à conforter. Mais elle ne se fera certainement pas sans démocratie directe, participative ou représentative élargie aux acteurs économiques eux-mêmes.

Vigilius

version 22 octobre 2011

Tous droits réservés. Diffusez librement et gratuitement les contenus (articles entiers ou citations) de ce site avec mention obligatoire de la source http://vigilius.eutopic.info

Pour toute publication sur un support payant, contactez l’auteur :

CONTACT EMAIL

Posted in Non classé | 2 Comments

Entre la Res Publica et le droit Privé, la Res Communis

Le droit moderne distingue entre le Droit Public qui régit la Res Publica, la « chose publique », la République, et le Droit Privé, dont les piliers principaux sont la liberté individuelle et la propriété, et dont relèvent les entreprises, y compris les multinationales, les banques, la grande distribution, l’industrie, les services, les médias, etc.

En droit, outre la Chose Publique et la Chose Privée, persiste une notion ancienne, celle de Chose Commune, la Res Communis. Celle-ci était définie en référence à des biens communs et abondants, comme l’air, l’eau etc. La Res Communis, revisitée avec les nouvelles données anthropologiques et environnementales pertinentes pour notre époque, peut fournir le fondement conceptuel d’une notion de droit indispensable pour accompagner notre changement d’époque. La Res Communis peut désigner à la fois un ensemble de ressources, de biens et de services qui peuvent être considérés comme un bien commun, soit abondants, soit à préserver ou à gérer. La Res Communis peut aussi désigner l’entreprise collective (immeubles, meubles, outils de travail, compétences, forces de travail, clients, fournisseurs, collectivités, voisinage) qui les produit, les préserve, les gère, en profite ou en pâtit. Dans les deux acceptions du terme, il s’agira de gérer ensemble ce bien qu’il soit commun ou « communalisé » dans les cas où il s’agira d’en retirer la gestion au seul secteur privé, c’est-à-dire aux propriétaires du seul capital.

Pourquoi faire émerger le concept de « Res Communis » ?

La crise systémique globale que nous connaissons au tournant du XXIème siècle survient au moment du passage de « l’ère de la croissance et de la concurrence » forcées à « l’ère de la régulation et de la coopération » non moins forcées.

Par nécessité de survivre dans la concurrence des nations et des acteurs économiques pour s’assurer l’exploitation des ressources et la domination des marchés, des secteurs de profit, la modernité européenne et son excroissance nord-américaine a lâché la bride au secteur privé, à son inventivité, sa réactivité, son initiative. Le droit moderne a créé une personne morale des entreprises privées et adaptée à cette course à la croissance assimilable à une course pure et simple à la survie d’acteurs en concurrence mortelle ou plus ou moins civilisée les uns avec les autres. Le geste du législateur qui a conféré à la propriété privée du capital un pouvoir sans partage d’initiative économique et de gestion des entreprises collectives humaines a été fondateur d’une civilisation qui a fini par prévaloir sur la planète entière. Mais le moment du triomphe absolu de cette civilisation correspond exactement au moment de sa fin. La civilisation de la croissance exponentielle exige un monde et des ressources illimitées. Le gouffre de l’espace s’avérant infranchissable à court terme, l’humanité se voit contrainte de changer de paradigme, ou de se résigner à transformer son environnement en désert global et hostile à la vie, à faire de la riante planète bleue un tombeau aride, battu par des vents torrides ou glacés.

Au moment de ce tournant et de ce choix, nous constatons que la chose privée, avec laquelle nous sommes tous plus ou moins compromis dans notre existence quotidienne, soit de producteur, soit de consommateur, soit d’assisté ou de victime, est hors de contrôle. Son influence est telle sur les décideurs du système que celui-ci se voit bloqué. La régulation longue par l’autorité publique, par la réglementation et le contrôle, est partout en déroute ou en retard d’une catastrophe, sur les plans monétaires, sanitaires, alimentaires, de santé publique, de pollution, d’orientation des politiques énergétiques, de diversité biologique, etc. Les réglementations sont à chaque fois trop lentes, édulcorées par les lobbies. Les autorités de contrôle sont dépeuplées, les services régaliens sont démantelés et vendus sous l’influence d’acteurs économiques privés capables de dicter leur loi tant aux élites des dictatures que des démocraties.

Dans un contexte de sclérose généralisée du débat politique et économique, seul le corps social, la société civile, la population, le peuple, les gens, les travailleurs, les chômeurs, les consommateurs, les fonctionnaires, les entrepreneurs, les chercheurs, etc., conscients de la situation et présent à tous les étages du système sont en mesure de conceptualiser et d’imposer les changements systémiques nécessaires. Encore faut-il qu’ils prennent le temps de les élaborer, de les débattre, des les choisir, de les organiser, de les imposer. Il est à prévoir que la redécouverte de la pratique directe de l’Agora pratiquée par les mouvements d’occupation des places Tahrir, de celles d’Athène, de la Puerta del Sol, de Wall Street, de Bruxelles, seront un moment important dans ce processus qui prendra des années, voir des décennies jusqu’à aboutir.

Dans la liste des options de régulation systémique, l’émergence de la notion de Res Communis est particulièrement prometteuse, que ce soit dans le domaine bancaire, monétaire et du crédit avec la crise financière, budgétaire et la récession qui accompagne la fin de la croissance, mais aussi dans tous les domaines où l’entreprise capitaliste de grande taille est devenue potentiellement (et souvent réellement) dangereuse ou dommageable si son orientation stratégique et son activité n’est pas pilotée dans une perspective commune et partagée entre tous les acteurs concernés.

La « mutualisation », la mise en commun à l’échelle adaptée, de la gestion stratégique de nombreuses entreprises de capital, dont celles du secteur bancaire (qui orientent encore actuellement toute l’émission monétaire par le crédit en fonction d’intérêts purement capitalistiques) apparaît comme une solution élégante, peut-être la seule à notre disposition pour résoudre, à la racine, de très nombreux problèmes qui préoccupent, indignent ou scandalisent, chacune dans leur domaine et séparément, les personnes correctement informées des dégâts causés tant par le système capitaliste, que sa généralisation et sa faillite.

Il est à prévoir que de très nombreux acteurs sociaux, économiques, associatifs, syndicaux et même les collectivités et des élites pourront être mobilisés par la perspective d’intervenir dans la gestion commune des banques, des sociétés touchant aux secteurs stratégiques de l’énergie, de l’agro-alimentaire, de la chimie, de la pharmacie, du nucléaire, de l’armement, des médias, du transport, de la grande distribution…

Il est à prévoir que de très nombreuses associations, collectifs de vigilance et d’initiatives citoyennes contre les dangers du nucléaire, contre les gaspillages et l’obsolescence programmée, contre la surexploitation des ressources ou l’extinction des espèces ou encore préoccupées par le sens et les conditions de travail, de pérennisation de services publics ou sociaux non-marchands, seront susceptibles d’être fédérées autour de ces concepts et ces pratiques de mutualisation de la gestion répondant à leurs préoccupations.

Les propositions liées à la démocratisation de la gouvernance des structures du méso-social, des entreprises, des banques, des collectivités, des territoires, des administrations, autant que de la gouvernance aux échelles nationales et régionales sont porteuses d’avenir en ce sens qu’elles apparaissent comme les seules solutions à même de répondre aux défis du siècle. Il est à prévoir que ce seront elles qui seront mises en avant par les mouvements sociaux de demain, amplifiés par la voix de millions de personnes privées du nécessaire autant que de leur liberté d’expression politique par un système figé, sclérosé, décadent et condamné. Elles portent en elles les germes de nouvelles pratiques, de nouvelles pédagogies démocratiques, mais aussi de nouvelles façons de se confronter à la perversion relationnelle, aux enjeux d’influence. Et en ce sens, si elles constituent une solution systémique authentique, elles ne seront, au quotidien pas une solution aux problèmes, mais une nouvelles façon d’y faire face, ensemble, dans la discorde ou la concorde, mais en tout cas dans la coopération plus que dans la concurrence. Et cela, ce ne sera pas la moindre de ses vertus culturelles, démocratique, humaniste ou spirituelle, mais aussi économique.

version du 12 octobre 2011

remerciements à Florian C., étudiant en Droit.

Tous droits réservés. Diffusez librement et gratuitement les contenus (articles entiers ou citations) de ce site avec mention obligatoire de la source http://vigilius.eutopic.info

Pour toute publication sur un support payant, contactez l’auteur :

CONTACT EMAIL

Posted in Res Communis, Root Striking | 3 Comments